Jean de Léry, un huguenot chez les “sauvages” du Brésil (Lettre 71)

 par Frank Lestrigant

1ere de couverturedu livre Jea de Lery, le premier ethnologue, de Frank LestringatJean de Léry, le premier ethnologue, tel est le titre du livre que vient de faire publier il y a quelques semaines le professeur émérite à la Sorbonne, Frank Lestringant, spécialiste de la littérature des voyages à la Renaissance, notamment vers le Nouveau Monde, du Brésil au Canada, en passant par la Floride.

 

La carrière de Jean de Léry (né en 1534 et mort en1613), cordonnier bourguignon devenu pasteur, traverse la période des guerres de Religion au milieu des persécutions, dans le souvenir du Brésil visité en 1557, alors que s’implantait, sur les bords du Rio de Janeiro, une éphémère colonie, pompeusement baptisée France Antarctique, c’est-à-dire France Australe.

 

Jean de Léry est l’auteur de deux livres, l’Histoire mémorable de la ville de Sancerre, qui rapporte un cas de cannibalisme survenu en France dans une ville assiégée quelque temps après la Saint-Barthélemy, et surtout l’Histoire d’un voyage faict en la terre du Bresil, si célèbre, si éclatant, si sensible qu’il éclipse tous les autres témoignages de la même époque. Cette Histoire en la terre du Bresil, qui est son chef-d’œuvre, connaît cinq éditions constamment augmentées sur une quarantaine d’années (1578-1613). Elle est bientôt traduite en latin et circule dans l’Europe entière.

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L’histoire retrouvée des protestants de Sens, un livre de Thomas Mentzel (Lettre 71)

par Christiane Guttinger

Première de couverture du livre de Thomas MentzelDans un livre récemment édité par La Cause, L’histoire retrouvée des protestants de Sens, des origines à l’avènement du roi Henri IV, le pasteur Thomas Mentzel, fait remonter les origines de la Réforme à Sens aux mouvements évangéliques dissidents qui, combattus depuis le Moyen-Age par l’Inquisition, contestèrent l’autorité papale et prônaient un retour aux sources de l’église chrétienne primitive : cathares, templiers, juifs et musulmans convertis de force, vaudois et hussites. Dans le sillage humaniste et réformiste du cénacle de Meaux, Sens, située au sud de la Champagne, et dépendant au XVI°s ; de la même province ecclésiastique est aussi, dans cette mouvance.

 

L’auteur a reconstitué le fil de cette histoire en se basant principalement sur les écrits de Théodore de Bèze, né à Vézelay et auteur dès 1580 de L’histoire ecclésiastique des Eglises réformées au Royaume de France, le Martyrologe de Jean Crespin et les Mémoires du catholique proche des Guise, Claude Haton[1].

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Les protestants et la langue française, Leur rôle dans son élaboration et sa diffusion. (Lettre 71)

par Christiane Guttinger

Affiche de l'exposition au Temple de Chateau-ThierryAlors qu’est inauguré ces jours-ci le château rénové de François Ier à Villers-Cotterêts, « Cité internationale de la langue française », n’est-ce pas le moment de rappeler le rôle joué par les protestants dans l’élaboration et la diffusion de la langue française ?

« Sola Scriptura » (l’Ecriture seule) est un des principes fondateurs de la Réforme. Donner accès aux textes bibliques par la traduction la plus fidèle a constitué une priorité. Calvin peut être considéré comme un des pères de la langue française, introduisant des expressions populaires dans ses ouvrages théologiques publiés en français, et non plus en latin. Il demanda à son cousin Olivetan d’œuvrer à une traduction de la Bible puisant aux sources hébraïques et grecques et non plus seulement latines telle que l’avait réalisé l’humaniste Lefèvre d’Etaples. Il commença une traduction des Psaumes, poursuivie par Clément Marot et Théodore de Bèze, que des musiciens comme Goudimel mirent en musique : ceux que nous entonnons encore aujourd’hui lors des cultes !

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Henri II de Rohan, irréductible combattant (Lettre 70)

par Nicole Vray

Henri II à cheval

Henri II de Rohan est le premier duc de la Maison Rohan, le dernier Rohan protestant et l’ancêtre des Rohan-Chabot catholiques.
Il naît le 21 août 1579 non loin de Nantes, dans le château de La Groulais à Blain, le fief des Rohan convertis au protestantisme depuis le début du XVIe siècle.
Fils de Catherine de Parthenay et de René II de Rohan, outre ses talents d’historien et d’écrivain, Henri II va se révéler grand militaire, vite remarqué par Henri IV.
Le « bien bon roi Henri le Grand » l’avait par ailleurs élevé au rang de duc et pair en 1604, puis incité à épouser en 1605 Marguerite de Béthune, la fille du duc de Sully.

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La Rochelle et protestantisme charentais, vendéen et poitevin (Lettre 69)

Cartede l'implatation réformée en Poitou Charentespar Christiane Guttinger

 

←L’implantation réformée en Poitou au XVIIe. Carte de Samuel Mours.

L’association des Amitiés huguenotes internationales, héritière du Comité protestant créé 1915, veille à entretenir des liens d’amitié entre protestants français et huguenots du Refuge et, plus largement, entre protestants du monde entier, en se basant sur l’histoire, la généalogie et le patrimoine protestants.
Elles organisent ainsi, tous les 3 ans, une Réunion internationale de descendants de huguenots rassemblant protestants français et délégués d’une douzaine de nations, suscitant rencontres et découverte d’une région française vue sous l’angle de son protestantisme historique et actuel. La pandémie a contraint à reporter celle de 2021, mais résolument optimiste, elles préparent, cette année, la XIXème Réunion huguenote qui sera basée, à La Rochelle, du 19 au 25 septembre 2022.

La Rochelle ? La présence protestante est encore très vivace dans cette « capitale » atlantique des huguenots au XVIe siècle, où fut adoptée la Confession de foi réformée lors du synode de 1571, qui devint un symbole de résistance opiniâtre lors du grand siège de 1627-1628.

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Jeanne d’Albret et La Rochelle (Lettre 69)

par Didier Poton de Xaintrailles (président du Musée rochelais d’histoire protestante)

Portrait de Jeanne d'Albret (Ecole de Clouet)Jeanne d’Albret quitte Nérac le 6 septembre 1568 avec ses deux enfants, Henri et Catherine.
Elle est âgée de 41 ans. Elle est veuve. Son époux Antoine de Bourbon est mort, revenu au catholicisme, en 1562.
A un émissaire de Catherine de Médicis l’interrogeant sur les motifs de ce voyage, elle répond : « Le service de mon Dieu et la vraie Religion », « Le service de mon roi et l’amour de notre patrie la France », La défense des droits « d’une race si illustre que celle des Bourbons, tige de la fleur de lys ».
Elle arrive à La Rochelle le 28 septembre. Les échevins l’accueillent. La Rochelle a rallié la Cause il y a peu de temps avec l’élection de son premier maire protestant.
Elle y retrouve Coligny, Condé et la plupart des chefs du parti huguenot à qui elle présente Henri comme prétendant légitime au trône de France et Protecteur des Eglises réformées du royaume.

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Catherine de Médicis vue par Céline Borello (Lettre 68)

Portrait en première de couverture de Catherine de MédicisCatherine de Médicis est une des grandes figures féminines du XVIe siècle européen. Né à Florence en 1519, elle est descendante d’une des plus riches familles italiennes dont la puissance a été forgée sur le négoce et la banque. Et c’est son nom qui lui permet de s’unir en 1533 à la maison des Valois.

Son destin est remarquable pour le temps car elle est au-devant de la scène politique dans une période de l’histoire de France particulièrement mouvementée : celle des « guerres de Religion ». Cette succession d’affrontements entre catholiques et protestants, qui créent un climat d’intolérance et de violence réciproque, est le quotidien de Catherine, veuve depuis 1559 du roi Henri II. Son fils ainé est alors trop jeune et elle devient régente puis conseille ses enfants majeurs, Charles IX puis, à sa mort, Henri III.

Cette biographie s’attache principalement à revisiter de manière synthétique, le mythe d’une Catherine de Médicis empoisonneuse, assoiffée de pouvoir et de violence en présentant les avancées de la recherche sur l’histoire des femmes de la Renaissance ou sur les guerres de Religion. Pour saisir cette personnalité foisonnante, un parcours en quatre temps est proposé.

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Pierre Toussain(1499-1573), Réformateur de Montbéliard (Lettre 67)

par Christiane Guttinger

 

Pierre Toussain est né en Lorraine en 1499 dans une famille noble, catholique et aisée. Après des études à Metz, Bâle, Cologne, Paris et Rome, il devient, en 1515, chanoine de Metz. Ouvert aux idées humanistes et réformatrices, il en est chassé en 1526.

Il retourne alors à Paris, où il devient l’aumônier de Marguerite de Navarre, mais doit, en 1531, se réfugier en Suisse où il prend contact avec Zwingli, Farel, et surtout Oecolampade qu’il avait déjà côtoyé comme étudiant, à Bâle.

Personnalité indépendante, Pierre Toussain s’insère ainsi dans le réseau de la Réforme qui n’a pas été pensée comme une nouvelle Eglise, mais une rénovation, une ouverture de la religion chrétienne à la modernité et l’esprit scientifique, une rupture avec le cléricalisme.

Toussain est alors invité en 1535 par le duc Ulrich de Wurtemberg, à poursuivre la Réforme implantée par Farel à Montbéliard. Il y régnait alors une situation unique, alliant liberté de conscience et paradoxe culturel. Sous l’autorité du Wurtemberg, le pays était de langue et culture française, mais le peuple parlait un patois de langue d’Oïl, proche de celui de certaines vallées vosgiennes.

Photo du temple Saint GeorgesMontbéliard fut une étape pour les réformés français sur le chemin de l’exil. Certains s’y établirent, si bien qu’une

église des réfugiés, le temple Saint-Georges(Sa construction commencera en 1674 et sera interrompue deux ans plus tard du fait de l’incursion des troupes de Louis XIV dans la principauté.), sera édifiée ultérieurement dans le nouveau faubourg.

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Claude Goudimel, artiste à la mode, martyr de sa foi (Lettre 65)

Gravure de Claude GoudimelIl est des artistes dont l’œuvre rayonne dans le temps sans que leur vie soit connue. C’est le cas de Claude Goudimel, dont les réformés chantent chaque dimanche les Psaumes.

Sa date de naissance déjà est incertaine, autour de 1520. Il est le fils d’un boulanger de Besançon, ville libre de l’Empire germanique et particulièrement aimée de Charles Quint. Notre chantre des Psaumes n’est donc pas un français de naissance. Il a reçu une éducation musicale et générale sans doute auprès de l’Eglise locale à laquelle il restera attaché puisqu’en 1554/55 il témoigne en faveur de l’archevêque de Besançon dans un procès.

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Étienne Delaune, orfèvre et graveur protestant de la Renaissance (Lettre 65)

Étienne Delaune, fils du tailleur d’habits de François 1er, nait à Milan vers 1519[1].

Il se forme en France, peut-être à Orléans puis exerce comme orfèvre et graveur de médailles à Paris (1551), à la Monnaie du Moulin, créée par Henri II.

Son adhésion à la Réforme contraint-elle Delaune à la discrétion ? A pratiquer en chambre, illégalement, puis, poursuivi, se tourner vers la gravure ? Ses premières estampes remontent à 1561. Il utilise les techniques du burin et de la taille-douce, ainsi que le pointillé inventé par l’Italien Campagnola[2].

Il grave des compositions allégoriques, mythologiques et des suites bibliques d’après des esquisses de Baptiste Pellerin, dessinateur lié au milieu des orfèvres parisiens.

Dans la mouvance des artistes italiens du chantier de Fontainebleau[3], Delaune va jouer un rôle éminent dans la diffusion du nouveau vocabulaire artistique composé de grotesques et rinceaux, habités de petits animaux et chimères.[4]

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