Montbéliard, cité millénaire dominée par son château, est située aux frontières de la Suisse et de l’Allemagne. Elle eut au fil des années une histoire hors du commun, marquée par un protestantisme fortement ancré.
En 1397, eut lieu le mariage d’Henriette d’Orbe, comtesse de Montbéliard avec d’Eberard de Wurtemberg, union de deux enfants motivée par des raisons politiques. Le Comté tombe alors sous la suzeraineté des Wurtemberg et bascule ainsi dans l’Empire Germanique. Malgré bien des luttes et des querelles familiales, Montbéliard demeurera fief des Wurtemberg.
En 1520, Ulrich, duc de Wurtemberg est mis au ban de l’Empire par Charles Quint et se réfugie à Montbéliard. Il prend contact avec des banquiers suisses et rencontre à Bâle des disciples de Zwingli et d’Oecolampade. Ulrich se convertit en 1524 et fait appel à Guillaume Farel pour prêcher la religion nouvelle à Montbéliard.
Le succès est immédiat, mais des pressions extérieures de l’archevêché de Besançon et des princes suisses rendent la situation des réformés difficile. D’autre part, Farel n’use pas toujours de la diplomatie souhaitable. Il est renvoyé et rejoint Calvin à Genève. Cependant la communauté protestante subsiste à Montbéliard et se développe petit à petit.
En 1530, Ulrich retrouve ses terres du Wurtemberg et confie le comté de Montbéliard à son frère Georges. Ce dernier fait appel en 1535 à Pierre Toussaint, ancien chanoine de Metz, venant de Tubingen et plus tourné vers le luthéranisme que Farel. Il commence à organiser l’église à Montbéliard. En 1538, la messe est supprimée, les prêtres partent et les églises catholiques sont affectées aux paroisses protestantes.
Trois ans après, Ulrich retire Montbéliard à son frère Georges pour le confier à son fils Christophe, luthérien convaincu, qui établit réellement le luthéranisme à Montbéliard.
Mais en 1548, Charles Quint impose le catholicisme à tout le Saint Empire Germanique. Montbéliard tombe sous le coup de cette loi. La messe est rétablie. Toussaint et les protestants passent dans la clandestinité. Mais en 1552, Christophe, passant outre, impose définitivement le luthéranisme. Une ordonnance de 1559 réglemente la vie religieuse et l’enseignement devient obligatoire pour garçons et filles.
Dans les années 1560-1570, le début des guerres de Religion provoque un afflux de réfugiés huguenots calvinistes. Le comté s’isole des provinces voisines. L’instruction y est plus développée, les réfugiés, appartenant à une population aisée, prospèrent dans le commerce, l’artisanat, la petite industrie et la banque. Un conflit naît entre le prince, luthérien strict, et les réfugiés calvinistes. En 1586, le colloque de Montbéliard, entre représentants des luthériens allemands (Andrae) et les calvinistes français (Théodore de Bèze) est un échec. Le Luthéranisme devient religion d’Etat, régie par un Prince-évèque, et de nombreux calvinistes partent.
La construction de l’église luthérienne Saint-Martin commence en 1601. Cet édifice commandé par le Prince Frédéric à l’architecte Heinrich Schickhardt est le plus ancien de la Réforme française. Sur la place, on peut voir la statue du paléontologue Georges Cuvier, Montbéliardais qui fut responsable des cultes non catholiques sous Louis XVIII. Il eut une action très profitable pour tous les protestants.
Lors du recensement de la population de 1712, Montbéliard compte 2 800 habitants dont 59 catholiques, soit 98 % de protestants. En 1793, date du rattachement à la France, les frontières s’ouvrent, les catholiques des provinces avoisinantes s’installent à Montbéliard, attirés par le formidable essor industriel. De nos jours, les protestants ne représentent qu’environ 15% des chrétiens du territoire du Comté !
(Emission du Comité diffusée sur France Culture, le dimanche 4 mai à 8 h 25)
d’après un texte de Pierre HAUGER
« La Lettre » N°19 de Mai 1997