par Thierry Rousset
Sport et protestantisme, quel rapport ?
Si l’apôtre Paul dans Corinthiens I, chapitre 9 ( 9-24) recourt à la métaphore de l’athlète pour décrire le chrétien, les réformateurs et les grands pédagogues protestants tels Baduel, Sturm, Comenius ou Pestalozzi promeuvent l’instruction pour tous, le développement intellectuel et le sens de la responsabilité, avant tout ; ce sont les humanistes italiens et un Montaigne en France, qui réhabilitent l’activité physique pour façonner un esprit sain dans un corps sain selon la formule de Juvenal.
Toutefois, deux des 8 académies protestantes en France aux 16 et 17èmes siècles comportent une école équestre : Saumur, créée par Duplessis-Mornay, ancêtre du Cadre Noir, et Sedan. Le sport tel qu’entendu de nos jours est une invention anglaise du XIXème siècle. En pleine révolution industrielle, les pasteurs anglicans et des églises libres, dans un souci missionnaire et éducatif auprès des ouvriers, réconcilient le sport et l’engagement chrétien. Celui qui théorise ce qu’il appelle la « muscular christianity » est le pasteur et écrivain Charles Kingsley. Sous son influence, le pasteur Thomas Arnold recteur de l’école de Rugby, est à l’origine du sport éponyme, moyen de canaliser les énergies de ses jeunes pensionnaires ; le rugby se répand dans les patronages des églises à travers le monde britannique. Autre sport né dans un collège protestant : le basket, dans le foyer éducatif YMCA de Springfiel à l’initiative de Luther Gulick (1865-1918) et James Naismith (1861-1939). Les YMCA ou Unions chrétiennes de jeunes gens diffusent le sport à travers les foyers et gymnases qu’ils construisent dans toutes les grandes villes anglo-saxonnes puis à travers le monde. Ainsi, le 1er gymnase créé à Paris est une initiative de l’Union Chrétienne de jeunes gens, rue de Trévise, en 1893 ; c’est là que se tient le 1er tournoi de basket en France, le 27 décembre 1893 ; là aussi se crée le 1er club de basket, le Basket ball Trévise club en 1894.
Sa diffusion dans les patronages catholiques français qui à leur tour aussi encouragent le sport, est freiné par l’encyclique papale du 6 janvier 1895, Longinqua Oceani, condamnant « l’américanisme ».
Le volley ball naît également dans un foyer YMCA en 1895 ; les sports sont diffusés dans les colonies par les missionnaires, comme en Inde et en Chine par Charles Studd (1860-1931) missionnaire et champion de cricket. Beaucoup de clubs de football en Angleterre notamment sont nés dans des paroisses méthodistes ou anglicanes : l’Everton à Liverpool, l’Aston Villa à Birmingham. Il en est de même pour les piscines. Les Young Women Christian Associations (YWCA), répandent la gymnastique chez les jeunes filles. Ce rôle crucial des Eglises et œuvres protestantes dans la diffusion du sport se prolonge à travers le scoutisme créé par un ancien officier, fils de pasteur, Baden Powell en 1910.
Depuis, cette association entre sport et foi chrétienne s’affermit particulièrement de nos jours à travers les témoignages des sportifs célèbres sur leur foi comme le prédicateur Billy Graham les y a invités. Il est loin le temps où Eric Liddell aux JO de 1924 (immortalisé dans le film Les charriots de feu) refusa de disputer la course un dimanche.
Nombreux sont les champions sur tous les continents à témoigner de l’Evangile tel Olivier Giroud en France. Le témoignage prend aussi une forme collective comme à Madrid, à travers la 22ème édition des Olympiades évangéliques réunissant plusieurs centaines d’athlètes, le 11 mai 2024.
A la tentation d’idolâtrer son corps et les dieux du stade, l’approche du sport véhiculée par le protestantisme, telle que résumée par Luther Gulick en 3 mots « Body, Mind, Spirit » c’est-à-dire : le corps, l’intelligence, l’âme, vise à édifier un être complet, équilibré et harmonieux ; le protestantisme a contribué à réhabiliter et diffuser le sport, le pire serait que le sport devienne un outil de revendication et de luttes religieuses, contraires à ses valeurs originelles.
(Chronique des Amitiés huguenotes internationales diffusée à la fin de l’émission SOLAE, sur France-Culture, le dimanche 14 juillet 2024, à 8h55)
Sources :
Gérard Bosc : L’apparition du basket en France – Cahiers de l’Insep 2023.
Patrick Clastres : Comment peut-on être chrétien et sportif ? l’américaniste P.de Coubertin et l’UCJG – Double jeu , le Basket ball entre France et Amériques – Vuibert 2007.
Norman Grubb : Charles Studd – Editions CLC 2019.
L’UCJG construit par l’architecte Bénard, 14 rue de Trévise à Paris inauguré en 1893, comportait une piscine au sous-sol, et un gymnase (photo) où furent disputés les 1ers matchs de basket. Salle multisport, la mezzanine était utilisée comme piste de course à pied.