La Fontaine à Paris et ses relations protestantes.(Lettre 68)

par Christiane GuttingerAffiche de l'exposition

Le 4ème centenaire de la naissance de Jean de La Fontaine est cette année, particulièrement célébré en sa ville natale de Château-Thierry où une exposition au temple évoque plus particulièrement ses relations avec le protestantisme.

La Fontaine, se destina à 20 ans à la carrière religieuse, il entra chez les Oratoriens à Paris, congrégation enseignante née de la Contre-Réforme, fondée par le père Pierre de Bérulle, qui avait parfaitement assimilé les principales revendications des protestants. Ils éduquaient ainsi une élite de prêtres à la morale irréprochable, de haut niveau intellectuel et théologique dans le but d’obtenir des abjurations et des reconversions au catholicisme par la persuasion, et non par la violence.

La Fontaine n’y trouva pas sa vocation. Il quitta l’Oratoire au bout de 18 mois, et revint à Paris faire son droit. Il se lia alors avec un cercle d’étudiants, les nouveaux Chevaliers de la Table ronde qui se réunissaient joyeusement dans une taverne de ce nom, ponctuant leurs discussions de joutes poétiques. Parmi eux, quatre amis protestants avec lesquels il resta lié pour la vie : Conrart, Pélisson, Tallemant des Réaux et Rambouillet.

Le plus âgé était Valentin Conrart à qui Richelieu confia, quoique protestant, le soin de rédiger les statuts de l’Académie française, inspirée de son propre cercle littéraire. Paul Péllisson (Compromis et emprisonné à la suite de Fouquet, Pellisson se convertit et Louis XIV lui confiera la Caisse des conversions monnayant les consciences des protestants !), homme de lettres entra à l’Académie. Gédéon Tallemant des Reaux, a laissé les Historiettes posthumes, pleines de verve, inégalable témoignage de la vie mondaine de l’époque. Le 4ème, Antoine de Rambouillet, sieur de La Sablière, épousa au temple de Charenton, Marguerite Hessein qui tint le plus brillant salon réunissant arts, sciences et lettres, et deviendra la muse et fidèle protectrice du poète.

Lorsque le parti des dévots fit interdire la vente de ses Contes licencieux, La Fontaine déjoua la censure en les faisant imprimer à Amsterdam par Henri Desbordes, l’éditeur huguenot originaire de Saumur. L’artiste hollandais, Romain de Hooge qui les illustra, avait déjà produit des gravures dénonçant l’exil des huguenots et les exactions des troupes françaises en Flandres. Il se fit un plaisir de forcer le trait pour mettre en scène la paillardise des moines et la fausse naïveté des religieuses…

La Fontaine, plus cigale que fourmi, et ruiné, dut l’aisance de ses dernières années à des protecteurs protestants. Mme de la Sablière l’hébergea pendant 20 ans, se convertissant quelques mois avant la Révocation, récompensée, il faut dire, par une dotation royale de 2000 francs…puis à sa mort, ce furent les d’Hervart d’origine allemande luthérienne qui l’accueillirent jusqu’à la fin de ses jours.

Jean de La Fontaine et les protestants ? Ce sujet a été peu fouillé. Esprit foncièrement libre et indépendant, il partageait avec ses amis protestants une mise à l’écart du pouvoir absolutiste et la critique d’un clergé décadent.

On peut voir des allusions aux protestants dans plusieurs fables, comme Le chêne et le roseau, la lutte du pot de fer contre le pot de terre, du fort écrasant le faible…  La Fontaine apparaît sous la figure du « sage » qui ne prend pas parti, mais il n’ignorait rien des conséquences dramatiques de la Révocation de l’Edit de Nantes touchant au cœur les familles de ses amis, en cette période la plus sombre du protestantisme français.

Au XIX° siècle, deux artistes protestants, Tony Johannot et Karl Girardet contribuèrent à entretenir par leurs illustrations l’intérêt pour l’œuvre de La Fontaine.

 

(Culture protestante, chronique mensuelle des Amitiés huguenotes internationales, diffusée sur France Culture à 8h55, le 1er aout 2021)

 

 

 

 

 

 

 

 

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