Le samedi 5 juin 2004, notre Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Etranger consacrera sa journée à visiter les lieux de la mémoire Protestante à Orléans. Nous serons accueillis et guidés par l’Association « Mémoire Protestante en Orléanais » et sa présidente, Mme Luce Madeline. Le siège de cette Société Savante, en plein cœur de la vieille ville, se trouve au n° 1 de la rue Parisie, tout près de la rue de Bourgogne où arriva Jeanne d’Arc un siècle avant celui de la Réforme Protestante, et non loin du temple réformé actuel construit dans la 1ère moitié du XIXème siècle, place Saint-Pierre Empont, sur le modèle d’une tour romaine.
Deux raisons m’amènent à vous parler de l’histoire protestante d’Orléans, la principale est qu’Orléans mérite une place primordiale dans les lieux de la mémoire protestante dans la moitié nord de la France. Savez-vous qu’Orléans possède plus de monuments remarquables de notre mémoire historique au XVIe siècle que Paris, et qu’elle fut, malgré les vicissitudes de l’histoire, la première capitale politique du parti protestant jusqu’au début de la troisième guerre de religion où les chefs huguenots se regroupèrent à La Rochelle en 1567. La seconde raison est que la plus grande partie du Val de Loire a été classée au Patrimoine Mondial de l’Humanité.
Ainsi notre groupe de visiteurs se rendra d’abord à Saint-Denis-en-Val, tout près de la digue du grand fleuve sur sa rive gauche en aval de la ville, à la ruine du château de l’Isle qui fut maison de campagne, lieu de refuge et de prêche huguenot de la famille du Bailli d’Orléans, du nom de Groslot. Les ruines du château et le site sont remarquables.
Le reste de la journée sera consacré à la visite à pied du cœur du vieil Orléans, à commencer par l’Hôtel Groslot devenu Hôtel de Ville, avant la construction du nouveau, juste en face et non loin de la Cathédrale Sainte-Croix. Aux Etats Généraux d’Orléans, c’est là que résida la régente Catherine de Médicis et où mourut le jeune roi François II, en décembre 1560, ce qui sauva la tête de Louis de Bourbon, premier prince de Condé, compromis dans la conjuration d’Amboise. Le pouvoir resta entre les mains de la veuve du roi Henri II, pour le compte du tout jeune roi Charles IX. C’est à ces Etats que le chancelier Michel de l’Hospital prononça sa célèbre harangue : « Ostons ces mots diaboliques de luthériens, huguenots et papistes : ne changeons le nom de chrétien… » Ce qui reste de ce magnifique hôtel Renaissance porte la trace du ciseau de Jean Goujon et son jardin contient le buste de l’imprimeur Etienne Dolet, natif d’Orléans, et martyr de la pensée, brûlé en place Maubert à Paris.
Orléans, réputée pour sa faculté de Droit et son université, fut fréquentée par les plus grands noms de l’humanisme et de la réforme française, soit comme professeurs, soit comme étudiants. Je ne peux les citer tous. Il y eut Anne Dubourg, martyr célèbre comme conseiller au parlement de Paris, Pierre de l’Etoile, Melchior Wolmar par qui le jeune Jean Calvin prit connaissance pour la première fois des idées de Luther , l’humaniste Jacques Lefèvre d’Etaples, Olivétan, futur premier traducteur de la Bible, Guillaume Budé, qui fondera le Collège des lecteurs royaux, futur Collège de France, Reuchlin, Hotman, Théodore de Bèze. Calvin étudia le droit à Orléans et à Bourges entre 1528 et 1533, et représenta comme syndic1 les étudiants de la nation picarde. Nous verrons la salle des Thèses, vestige de la célèbre université. Rue de la Poterne se voit encore l’oriel d’une maison où il séjourna souvent chez ses amis Daniel.
Orléans fut prise par les huguenots en 1562, après la première prise d’armes du prince de Condé par le célèbre François de la Noue, dit « le Bayard huguenot ». Béroalde, précepteur du jeune Agrippa d’Aubigné, s’y réfugia avec son élève dont le père exerçait un commandement sous Condé à Orléans.
L’amiral Coligny y perdit sa première épouse Charlotte de Laval, qui soignait les blessés. François de Guise fut assassiné par Poltrot de Méré devant la ville près de l’embouchure du Loiret, et Coligny eut beaucoup de mal à se disculper d’avoir commandité l’assassinat.
Plus tard, Lancelot Dulac, commandant la compagnie de l’amiral, s’introduisit dans la cathédrale malgré l’interdiction de Condé et en fit sauter les piliers, ce qui vaudra plus tard la présence du roi Henri IV sur un vitrail, visitant le chantier de sa reconstruction.
Nous verrons de belles maisons Renaissance qui servirent de lieux de prêche, et la très belle maison de l’architecte Androuet du Cerceau.
Après chaque paix ou trêve des guerres de religion, les huguenots rendirent la ville au roi. Elle subit les horreurs du massacre de la Saint-Barthélémy. La ville avait reçu le troisième synode national de l’Eglise réformée en 1562, et même une école de théologie éphémère y fonctionna, de 1562 à 1568, dont les professeurs furent Nicolas de Gallars pour l’écriture sainte, François Béraud pour le grec et Mathieu Bérolade pour l’hébreu.
Orléans avait gardé un douloureux souvenir de l’époque des guerres de religion. Le dernier éminent pasteur, avant la révocation de l’Edit de Nantes, s’appelait Claude Pajon.
L’actuelle paroisse d’Orléans reste un noyau vivant dans la ville. Un fils de préfet, Marc Boegner, lui resta attaché. La famille du martyr de la Résistance que fut Jean Zay fait partie de ses fidèles.
Nos amis de « Mémoire Protestante en Orléanais » ont dressé un plan des lieux de mémoire dont ils nous feront profiter en parcourant les rues du vieil Orléans.
(Emission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Etranger, diffusée le dimanche 2 mai 2004).
par le Pasteur Paul LIENHARDT
Bonjour,
Dans votre article sur « les lieux de mémoire protestante à Orléans », vous indiquez que « Plus tard, Lancelot Dulac, commandant la compagnie de l’amiral, s’introduisit dans la cathédrale [d’Orléans] malgré l’interdiction de Condé et en fit sauter les piliers, ce qui vaudra plus tard la présence du roi Henri IV sur un vitrail, visitant le chantier de sa reconstruction. »
Pourriez-vous me citer une source d’archives, ou les références d’une chronique du temps, concernant cet événement ?
Vous remerciant par avance, recevez, Madame, Monsieur, mes bien sincères salutations.
Vincent DULAC