C’est avec un peu de retard que nous commémorons aujourd’hui le bicentenaire de la mort de Jean Bon Saint-André, décédé le 10 décembre 1813 à Mayence après une vie riche en péripéties.
André Jeanbon naît à Montauban le 25 février 1749 dans une famille de « facturiers », c’est-à-dire d’industriels du textile,
nombreux chez les protestants montalbanais, dans une ville où les trois quarts des négociants et des minotiers étaient « de la religion ».
La famille semble avoir été très présente au Désert et active dans la maintenance et la reconstitution des Eglises réformées. Notons que dans les années 1744-1745, la région montalbanaise avait connu la renaissance de l’Eglise et la tenue d’importantes assemblées que l’Intendant avait fini par juguler. Puis, à partir de 1750, des pasteurs avaient pu organiser les Eglises du Montalbanais.
De 1759 à 1765, le jeune André fait ses études au collège de sa ville natale. En 1765-66, il étudie la marine à Bordeaux et est officier de marine jusqu’en 1771. Dégoûté de la marine par des naufrages où il faillit perdre la vie, il se rend à Lausanne, au séminaire fondé par Antoine Court, où il se prépare au ministère pastoral. Il y reste jusqu’à sa consécration, le 21 avril 1773. Avant de quitter Lausanne, Jeanbon, selon la coutume du Désert, prend le pseudonyme catholique de Saint-André (comme Rabaut prend celui de Saint-Etienne).
Quelques jours auparavant, le 16 avril, l’Eglise de Castres faisait appel à Jeanbon qui commence son pastorat le 29 mai comme en atteste sa première signature sur le registre du consistoire, et a rapidement des responsabilités. Le 3 septembre 1779, il se marie avec Marie Desuc, dont il n’eut pas d’enfants. Il pratique le culte « au désert », puisqu’il lui est interdit de le pratiquer en ville. Mais son légalisme lui aliène une partie de ses paroissiens, qui le forcent à démissionner en 1783.
Dans sa retraite, Jeanbon rédige ses Considérations sur l’organisation civile des Eglises protestantes qui ne sera publié qu’en 1848. L’établissement de l’Edit de Tolérance, en conformité avec ses idées, le pousse à reprendre son ministère en juillet 1788 à Montauban où il ouvre un « cours de religion » appelé au succès tout comme ses talents d’orateur, fort appréciés.
Cependant, au début de la Révolution, il reste dans l’ombre et assure avec beaucoup de sérieux son ministère pastoral. A la suite des troubles politiques survenus à Montauban en 1790, il se réfugie à Bordeaux où il se lie avec de nombreux futurs Girondins avant de revenir à Montauban. Il continue de s’occuper de politique en 1791 où commence son ascension. Il adhère à la Société populaire (le club des Jacobins) où il prend la parole pour la première fois le 3 janvier. Le dimanche 9 octobre, jour de la proclamation de la Constitution à Montauban, il prononce un sermon très politique ayant pour référence un verset de l’épître de Paul aux Galates (V, 3) : « Pour vous mes frères, vous êtes appelés à la liberté. Seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte pour agir selon la chair, assujettissez-vous les uns aux autres par la charité ».
Elu à la Convention le 6 septembre 1792 comme député du Lot (le Tarn et Garonne ne sera créé par Napoléon qu’en 1808), il obtient un congé du consistoire.
Détaché peu à peu des Girondins, il est élu président de la Société des Jacobins le 2 novembre 1792. Il vote la mort du roi, devient un membre actif de la commission d’instruction publique où il défend son projet d’éducation nationale, d’inspiration très rousseauiste, partisan des méthodes actives. En mars 1793, David et Jeanbon réclament la création d’un tribunal révolutionnaire. Jeanbon n’oublie ni sa ville natale ni ses convictions religieuses ; son action dans l’achat de l’ancienne église des Carmes, devenu le temple réformé de la ville, est capitale.
En juillet 1793, il est élu au Comité de Salut public où il est plus particulièrement chargé de la marine militaire pour laquelle, persuadé de l’importance de la guerre maritime, il propose un plan de réorganisation dont de nombreux éléments inspirèrent une série de décrets. Le 15 février 1794, Jeanbon Saint-André fait décréter que « le pavillon national sera formé des trois couleurs nationales, disposées en bandes verticales, de manière que le bleu soit attaché à la gaule du pavillon, le blanc au milieu et le rouge flottant dans l’air. »
Arrêté le 28 mai 1795, il est enfermé au Collège des Quatre-Nations (notre Institut) avec David qui, lors de cette incarcération, effectuera un portrait-conservé aujourd’hui à l’Art Institute de Chicago-, témoin de la vive amitié que l’artiste lui témoignait.
Après sa libération, il ne reprend pas son ministère. Il est nommé consul à Alger puis à Smyrne, poste le plus important du Levant, où il arrive le 8 brumaire an VI (29 octobre 1798). La conquête de l’Egypte, contraire aux intérêts turcs, conduit à son arrestation. Sa captivité, relatée dans Récit de ma captivité sur les bords de la mer Noire, dure presque trois ans, jusqu’en 1800.
Le 1er décembre 1801, Bonaparte signe sa nomination de commissaire général des départements français de la rive gauche du Rhin et puis de préfet de Mont-Tonnerre, en résidence à Mayenne. Il réorganise profondément et durablement l’administration de son département et en favorise l’expansion économique et agricole. Il restera préfet jusqu’à sa mort.
Après le décret du 13 fructidor an XIII (31 août 1805) qui réglait la situation religieuse dans les « territoires réunis », Jeanbon tente, sans succès, de créer une faculté de théologie protestante à Deux-Ponts.
Il est fait officier de la Légion d’honneur en 1804, et baron de l’Empire en 1809, avec le titre de « baron de Saint-André ».
Etranger aux spécificités qui constitueront plus tard le « Réveil », il continue à privilégier la morale par rapport à la théologie et à la mystique et est très peu concerné par les cérémonies du culte.
La donation qu’il fait de sa bibliothèque à la Faculté de Théologie de Montauban, nouvellement créée, prouve l’attention qu’il continue à porter au devenir réformé de sa ville natale, malgré son éloignement.
Après avoir contacté le typhus pour avoir lui-même soigné des soldats atteints de cette maladie qui faisait alors de terribles ravages, il meurt le 10 décembre 1813. Son Oraison funèbre est prononcée dans l’église protestante le jour de Noël. Reconnaissants de son activité de préfet, les Mayençais, lui feront élever un monument funéraire, encore visible de nos jours. Et bien entretenu par la ville de Mayence où son souvenir est toujours vivant.
par Hélène Guicharnaud (Émission du Comité protestant des amitiés françaises à l’étranger diffusée sur France Culture, à 8 h 55, le 6 avril 2014)
Bibliographie
– GUICHARNAUD (Hélène), « L’histoire mouvementée du temple des Carmes », Bulletin de la Société montalbanaise d’étude et de recherche sur le protestantisme, n°2, 1995
– LEVY-SCHNEIDER (L.), Le conventionnel Jeanbon Saint-André, Paris, 1901
– LIGOU (Daniel), Jeanbon, Paris, Messidor-Editions sociales, 1989
A l’occasion du bicentenaire de la mort de Jean Bon Saint André, la Société Montalbanaise d’Etude et de Recherche sur le Protestantisme a effectué une intéressante exposition qu’elle est disposée à prêter à toute paroisse ou organisme intéressé. Cette exposition est constituée de 10 panneaux rigides de 80 cm x 113 cm dont le poids total est d’une quinzaine de kilos. Pour tout renseignement, s’adresser à la SMERP, Maison de la Culture, rue du Collège, 82000 Montauban / contact@smerp.fr ou sur le site www.smerp.fr
Des expositions élaborées par des musées du protestantisme ont ainsi été remontées dans différents lieux : Sur le chemin de la laïcité… Les protestants et l’école, créée par le musée d’Orthez, a été présentée ensuite au temple d’Osse-en-Aspe, au temple de Pau pour les Journées du Patrimoine, à l’Ecole Supérieure du Professorat et de l’Education d’Aquitaine à Pau, puis enfin, à l’occasion du synode régional de l’Eglise Protestante Unie du Sud-ouest à Pau en novembre… Les panneaux sont faciles à réinstaller mais les objets accompagnant l’exposition ne peuvent pas toujours suivre.
Actuellement 32 panneaux, portraits de Femmes d’espérance, Femmes d’exception, de « protestantes qui ont osé du 16e au 20e siècle » dont Katharina Zell, Charlotte Mornay, Marie Dentière, Esther Carpentier, Caroline Malvesin, Madeleine Blocher, Suzanne de Dietrich, Zéline Reclus, Marguerite Matter, etc., sont proposés à l’achat par le groupe Orsay (Contact : Angelika Krause, 47 rue de Clichy, 75311 Paris Cedex 09 (60×80 cm sur papier 150gr ; Tarif : 80 € + 12 € de frais d’envoi).
cette bibliographie oublie que le personnage fut Franc-Maçon
Une question d’ailleurs, dans la foulée de la remarque de Christian Méjean.
Sait-on à partir de quand Jeanbon fut Maçon ?
Je me demande en fait si cela date de l’empire, ou s’il était déjà maçon pendant ou avant la Révolution…