Réforme et Tolérance, tel était le thème du dernier colloque des musées protestants, qui s’est tenu il y a quelques semaines à Wittenberg, petite ville de Saxe-Anhalt, au bord de l’Elbe, à une centaine de kilomètres au sud de Berlin.
Wittenberg est surtout connue pour être la ville du Réformateur allemand, Martin Luther. C’est ce qui explique qu’aujourd’hui la ville ait pris le nom de Lutherstadt, et que, tout naturellement, elle mette en avant ses liens étroits avec la Réforme protestante.
Il est vrai que de nombreux bâtiments sont associés aux événements de ce temps.
Une partie du cloître augustin dans laquelle Luther a demeuré avec son épouse Katharina von Bora et leurs six enfants, est préservée, et a été transformée en un très important musée, contenant de nombreux témoignages de et sur Luther, spécialement les portraits peints par Lucas Cranach l’Ancien et Lucas Cranach le Jeune.
Au bout de la rue, on trouve la Schlosskirche, l’église du château. C’est sur ses portes qu’en 1517, Luther a placardé ses 95 thèses. Certes, les portes en bois d’origine ont été brûlées, mais elles ont été remplacées au milieu du XIXe siècle par des portes en bronze, portant le texte (en latin) des célèbres thèses. Dans l’église, se trouvent les tombeaux de Martin Luther et de Philipp Melanchthon, avec les portraits des réformateurs par Cranach le Jeune.
La maison du réformateur Melanchthon se trouvait à quelques maisons de là et toujours dans la même rue. Joyau architectural de style Renaissance, l’espace est demeuré presque inchangé au cours des siècles, bien qu’il ait été transformé en musée.
Dans la perspective du 500ème anniversaire de la Réforme en 2017, ce musée a fait l’objet d’une importante rénovation et d’un agrandissement avec un bâtiment de style radicalement contemporain. C’est ainsi que l’atmosphère de la vie de Melanchthon, avec sa famille, ses amis et ses étudiants, est parfaitement recréée, sans que pour autant son rôle, ainsi que son influence, soient occultées. Les enfants et les adolescents ne sont pas oubliés, puisqu’ils sont pris en charge par Magdalena, l’une des filles de Melanchthon, grâce à des enregistrements et des vidéos.
Qui était donc Philipp Melanchthon ?
Né à l’extrême fin du XVe siècle (1497) à Bretten dans le Palatinat, il était d’abord un brillant savant et professeur, rendu célèbre dans le cercle des humanistes par ses écrits sur la rhétorique, la dialectique et la philosophie ainsi que par ses grammaires de latin et de grec.
Nommé professeur à l’université de Wittenberg, Melanchthon se lia d’amitié avec Luther, malgré leurs différences de caractère : intransigeant, toujours prêt à en découdre et tourmenté par des problèmes existentiels personnels, Luther contrastait nettement avec le très cérébral Melanchthon, universitaire dont toute la vie était vouée à l’étude et qui avait plutôt tendance à rechercher le compromis avec ses adversaires.
Melanchthon fut particulièrement utile à Luther par sa connaissance des langues anciennes, des langues de la Bible : sans son aide, les traductions par Luther du Nouveau, puis de l’Ancien Testament (1522 et 1534), véritables monuments de l’histoire de la langue allemande, n’auraient probablement pas vu le jour, du moins sous la forme que nous leur connaissons ; inversement, avec l’aide de Luther, Melanchthon réussit à pénétrer les arcanes les plus profonds de la théologie et à mettre ses connaissances fraîchement acquises au service de la Réforme.
Sans y prendre garde, il était donc devenu, malgré son jeune âge, l’une des figures les plus importantes du mouvement réformateur et le principal compagnon d’armes de Luther. Il occupa cette place pendant près de trente ans, jusqu’à la mort de Luther en 1546, et il fut alors reconnu comme son successeur naturel. Bien qu’il n’ait jamais égalé l’extraordinaire charisme de Luther, il parvint à conduire la nouvelle Église à travers les écueils d’une période de plus en plus difficile, contribuant ainsi à en assurer la permanence.
Force est de reconnaitre que la Réforme de Luther n’aurait pas eu autant de succès en Allemagne et en Europe sans l’inlassable travail de son disciple et ami Melanchthon, mort en 1560.
Par denis Carbonnier lors de l’ émission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Étranger diffusée sur France Culture, à 8 h 55, le 4 aout 2013.
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Les colloques des musées protestants d’Europe réunissent chaque année les responsables et animateurs des musées et associations d’histoire du protestantisme qui peuvent ainsi mettre en commun leur savoir-faire et échanger leurs expériences. Le prochain se tiendra à Noyon en mai 2014.