Nous avons présenté en 1983 une communication à la Société française d’Histoire de la Médecine, actuellement présidée par le Professeur Pallardy, sur : « La Révocation et les Professions de Santé ».
Dans les préoccupations des auteurs de la Révocation de l’édit de Nantes, survenue en octobre 1685, les professions de Santé occupaient une place particulière.
Bien avant la Révocation, les sages femmes adeptes de la Religion Prétendue Réformée se voyaient interdire l’exercice de leur profession par une Déclaration de février 1680, cinq ans plus tôt, qui rappelait que « suivant les principes de leur religion, ne croyant pas le baptême absolument nécessaire, quand il arrive que les enfants sont en péril de vie, elles omettent d’informer les ministres du culte catholique et les enfants meurent sans avoir reçu le baptême » et que « lorsqu’elles sont employées à l’accouchement des femmes catholiques et connaissent qu’elles sont en danger de vie, elles ne les avertissent point de l’état où elles se trouvent, en sorte qu’elles meurent sans que les dits sacrements leur aient été administrés ».
Le même reproche sera adressé aux médecins.
C’est donc une divergence de nature doctrinale qui inspirait les décisions prises.
Les médecins étaient visés, quelques années plus tard, par la Déclaration d’août 1685 portant qu’il ne sera plus reçu de religionnaires à la profession de médecin, « ce qui serait très préjudiciable au salut de nos sujets catholiques malades, parce que les médecins de la R.P.R. ne se mettaient pas en peine de les avertir de l’état où ils se trouveraient pour recevoir les sacrements auxquels ils n’ont pas de foi ».
Dans la pratique, les situations étaient variables et quelques anecdotes peuvent être rapportées : à Nîmes, fief religionnaire, Baux, secrètement protestant, réussissait à devenir médecin de l’Évêque ; à Grenoble, Saint Ange, directeur de l’hôpital, était un ancien protestant qui en même temps se trouvait en procès avec son hôpital pour les biens du Consistoire dévolus aux hôpitaux pour leur partie destinée à secourir les pauvres.
Afin de mieux contrôler les mesures prises, les médecins se trouvaient soumis à la délivrance d’un certificat de catholicité par les curés, à partir de 1698.
Chez les chirurgiens, certaines corporations avaient pris l’initiative de limiter le nombre de Protestants, ainsi à Rouen, Bordeaux, appuyés par le Parlement de Guyenne qui interdisait les chirurgiens et apothicaires protestants.
Ces mesures étaient étendues à l’ensemble du Royaume par un arrêt du Conseil de septembre 1685.
Elles se traduisaient par des sanctions telles que le bannissement des chirurgiens Bonne et Baulles de Castres au Mans. A Paris, Amian Isaac, chirurgien-barbier, quai des Grands Augustins, emprisonné à Fort l’Évêque, relâché en 1687, s’enfuyait en Angleterre et en 1698 était naturalisé anglais avec sa famille. De son côté, Elie Seignette, apothicaire à La Rochelle, se trouvait banni à Besançon, Vigouroux de Marans avait des difficultés parce que sa femme malade refusait les sacrements. Hieronime Oti, de Chatellerault, était inculpé pour avoir fait les fonctions de prédicant.
Afin de mieux contrôler leurs professions, les chirurgiens et apothicaires se voyaient à leur tour soumis à l’obligation de produire un certificat de catholicité par la déclaration de 1724 (art. XIV), 39 ans après la Révocation.
Mais la sévérité de la répression variait selon les Provinces. L’intendant Jubert de Bouville recevait à deux reprises des avertissements du Ministre Pontchartrain pour son excès de tolérance. La seconde fois il lui était reproché de protéger le médecin Collard, de Chilleurs dans la Généralité d’Orléans, qui remontait le courage des religionnaires.
Les recherches sur les sujets que nous venons d’évoquer se poursuivent actuellement au-delà des frontières de la France afin d’évaluer le nombre de professionnels de santé qui ont trouvé asile dans les pays du Refuge.
(Émission du Comité protestant des Amitiés Françaises à l’Étranger, diffusée le dimanche Ier août 1999, à 8h25 sur France-Culture)
Par Georges ROBERT
« La Lettre » N°24 de Décembre 1999