par Thierry Mourgue
Il y a 100 ans nous quittait Pierre Loti.
Si aujourd’hui cet écrivain prolifique est peu lu et relativement oublié, on ne mesure pas à quel point il fut un auteur à succès au tournant du XXe siècle.
Julien Viaud, allias Pierre Loti, est né à Rochefort en 1850 dans une famille protestante. Sa mère, née Texier, est originaire de l’île d’Oléron. Famille austère, entièrement acquise à l’étude et à la lecture de la Bible ; Pierre Loti évoquera dans Le roman d’un enfant l’ambiance pieuse dans laquelle il a grandi.
Le jeune Julien Viaud ne sera pas pasteur comme il l’a envisagé. Il aime écrire et correspondre avec sa famille, surtout son frère aîné, Gustave, chirurgien de marine, dont les voyages en mer l’émerveillent. Hélas ce dernier meurt subitement lors de son retour d’Indochine. Loti n’a que 15 ans et en est dévasté.
A 16 ans, il part à Paris. Il fait sa confirmation au temple de l’Oratoire du Louvre et prépare le concours d’entrée de l’Ecole navale, au Lycée Napoléon (aujourd’hui Henri IV) où il est reçu dès l’année suivante. A présent, sa vie se passera en mer. Aspirant de marine, puis Lieutenant de vaisseau, il sillonnera, infatigablement, toutes les mers du monde. C’est en 1872, à Tahiti, que des suivantes de la reine Pomaré le surnomment Loti, du nom d’une fleur de tiaré.
A cette époque paraissent ses premiers dessins et articles dans l’Illustration, puis le Monde illustré et La revue de Paris. Le monde occidental est avide d’exotisme. A chaque escale autour du monde, il écrira un article, une fiction, des lettres, sinon un livre. Ecriture engagée, malgré son devoir de réserve militaire. Il dénoncera souvent l’horreur et l’absurdité de la guerre. Un blâme et un rappel en France lui seront notifiés suite à ses articles sur la guerre de conquête du Tonkin.
Entre ses voyages, Pierre Loti revient régulièrement dans sa maison natale de Rochefort qu’il a rachetée et fait agrandir, dévolue tant aux civilisations passées (Renaissance ou gothique) qu’aux civilisations orientales (turque, chinoise, japonaise). Pierre Loti est un esthète, féru de sa personne, d’accoutrements exotiques, de photographies, de relations éclectiques allant de Mustapha Kemal à Sarah Bernhardt.
A l’âge de 35 ans, le mariage de Pierre Loti avec la fille d’un notable Bordelais, Blanche Franc de Ferrière, célébré au temple des Chartrons, à Bordeaux, n’a rien d’un coup de foudre, et très vite le couple se séparera, après la naissance d’un premier fils, Samuel en 1889.
Ecrire et croiser vont constituer le fond de sa vie pendant quarante ans, du 1er roman publié, Aziyadé en 1879 au dernier Les Désenchantées en 1906.
En 1891, c’est la consécration pour l’écrivain, élu à l’Académie française contre Zola. A 41 ans, il devient le plus jeune immortel de France.
De son attachement viscéral à ses origines et à son identité protestantes il écrira « Judith Renaudin », un drame historique en cinq actes, véritable hommage familial. Mais, il perdra progressivement la foi. Après un pèlerinage en Terre Sainte en 1894 – une nuit au Jardin des Oliviers – il revient déçu de cette expérience religieuse, et écrit « personne ne me voit, personne ne m’écoute, personne ne me répond » !
Le 10 juin 1923, Pierre Loti décède à Hendaye. Des obsèques nationales ont lieu à Rochefort (où une rue portait déjà son nom). Une foule considérable vient lui rendre hommage. Militaires, académiciens, membres du gouvernement et tout Rochefort viennent lui dire adieu Son cercueil quitte l’arsenal de Rochefort, remonte la Charente par bateau, est acheminé au temple de St Pierre pour le culte d’action de grâce, puis, conformément à ses volontés testamentaires, enterré au fond du jardin de la maison des aïeules
Pour son centenaire, une exposition sur Pierre Loti a lieu au temple protestant et au musée municipal de St Pierre d’Oléron.
Chronique des Amitiés huguenotes internationales, émission SOLAE du dimanche 11 juin 2023, à 8h55.