par Christiane Guttinger
En écho au centenaire de la mort du peintre-graveur franco-suisse Eugène Burnand, à Paris, en 1921, je vous propose d’évoquer plus particulièrement son œuvre religieuse et son profond attachement à la France.
Né en 1850 à Moudon, dans le canton de Vaud, Eugène Burnand, obtient son diplôme d’architecture au Polytechnicum de Zurich, puis, il opte pour une carrière picturale. Admis à l’Ecole des Beaux-Arts de Paris en 1872, il s’initie parallèlement à la gravure auprès de Paul Girardet, son futur beau-père. Ses peintures sont primées au Salon et aux expositions universelles ; ses gravures publiées dans l’Illustration. Il est promu chevalier puis officier de la Légion d’Honneur, membre correspondant de l’Institut en 1911.
Burnand partage sa vie entre la maison vaudoise familiale de Moudon, la Provence – Marseille, la Camargue, l’Hérault, (le « Pays de Mireille » de Mistral et des Contes de Daudet qu’il illustrera, – et son atelier parisien de la rue d’Assas.
Sa foi protestante lui inspire une œuvre religieuse très personnelle, fidèle au texte biblique, en réaction contre l’imagerie conventionnelle ou enfantine (« Je suis convaincu que l’heure est venue de remplacer les créations plus ou moins conventionnelles, parfois enfantines, souvent franchement inacceptables des anciens illustrateurs, par une reconstitution absolument fidèle, historique et scientifique de notre grand passé religieux. »). Son admiration pour les maîtres italiens, se mêle à une aspiration réaliste et naturaliste.
De grands tableaux inspirés de la Bible,
←Les Disciples Pierre et Jean au sépulcre, acquis par l’Etat au salon de 1898, maintenant au Musée d’Orsay, puis les gravures des Paraboles éditées par Berger-Levrault en 1908, renouvellent profondément l’iconographie protestante.
Réagissant contre le dépouillement traditionnel des temples, il réalise en 1911 les cartons de vitraux colorés du temple d’Herzogenbuchsee, sur le thème du Sermon sur la montagne (détail panneau droit→, prenant sa nombreuse famille comme modèle. Son épouse, Julia Girardet, également issue d’une famille d’artistes suisses huguenots, est son modèle privilégié. Ils ont 8 enfants et, pendant la Grande guerre, la famille manifeste son attachement à la France.
Eugène Burnand apporte son témoignage en s’attelant à la réalisation de 100 portraits de combattants de toutes les nations alliées et leurs coloniaux. Grandeur nature, particulièrement vivants et humains, les originaux de ces portraits au pastel, sont conservés au musée de la Légion d’honneur.
Son fils, Marcel, en tant que Suisse francophone neutre, supplée au manque d’hommes mobilisés. Il dirige à Paris l’imprimerie Crété et mènera à bien en 1922, l’édition posthume des Portraits des Alliés, accompagnée des textes de son cousin l’archiviste Robert Burnand.
Artistes, les jumeaux Daniel et David, marchent sur les traces de leur père. Daniel est fauché à 20 ans par la grippe espagnole(En 1918. Eugène atteint également par la grippe espagnole, ne s’en remettra jamais vraiment ; victime de bronchites à répétition; affaibli, il succombera le 4 février 1921, en son domicile du 106 rue Denfert Rochereau, Paris 14°.). L’œuvre de David se situera souvent dans le prolongement de l’œuvre de son père ; entre autres par l’adaptation en vitrail de 9 gravures des Paraboles pour le temple de Château-Thierry.
Tony fait ses études de médecine en France et s’engage comme médecin auxiliaire pendant la Grande guerre.
L’ainé, René, également médecin, sera le principal biographe de son père et à l’origine du musée de Moudon, qui s’associe, cette année, à une exposition d’œuvres naturalistes et animalières présentant une autre facette du peintre, « Eugene Burnand, à travers champs »(Exposition présentée à l’Espace Graffenried à Aigle (Suisse) de septembre 2020 à mars 2021).
Cet ancrage à la France, Eugène Burnand le doit sans doute beaucoup à ses racines huguenotes maternelles( Sa mère, née Henriette Folz descendait de Jean Johannot, réfugié huguenot originaire d’Annonay. Deux de ses sœurs avaient épousé, l’une un Leenhardt, mère du peintre Max Leenhardt avec lequel Eugène est particulièrement lié, l’autre un Bazille.), et aux liens familiaux étroits entretenus avec ses cousins français, les Castelnau, Bazille et Leenhardt.
(Culture protestante, chronique mensuelle des Amitiés huguenotes internationales, diffusée sur France Culture, à 8 h 55, le 2 mai 2021).
Une petite exposition Eugène Burnand illustrateur, présentée cet été au temple de Château-Thierry, révéle des facettes moins connues de sa production, avec des gravures publiées dans L’Illustration témoins sa proximité avec le mouvement du Christianisme social mené par les pasteurs Elie Gounelle, Wilfred Monod, Charles Wagner et Henri Nick, attentifs aux problèmes de la pauvreté et de la vie ouvrière. ; Il illustra aussi la Provence de Frédéric Mistral (Mireille) et d’Alphonse Daudet (Contes choisis), le Berry de George Sand (François le Champi), Florence à travers Les petites fleurs de Saint François d’Assise, et les célèbres Paraboles.