Garamond, ce nom, souvenez-vous, apparait sur votre ordinateur lorsque vous choisissez une police de caractères. C’est une écriture fine et élégante utilisée dans les ouvrages des éditions La Pléiade.
Claude Garamont (1499 – 1561) appartient à une génération d’imprimeurs à laquelle nous devons beaucoup.
En effet, si l’imprimerie apparait en Europe avec Gutenberg vers 1450, qui introduit les caractères mobiles en métal, cette invention va connaître un tournant décisif au cours du XVIème siècle.
Le livre devient une nouvelle manière de communiquer et de diffuser les idées de la Renaissance. Cette génération de grands imprimeurs comme les Estienne, Antoine Augereau côtoient le monde des savants et des précurseurs et acteurs de la Réforme comme Lefèvre d’Etaples, Calvin, Farel, Olivetan et des poètes comme Clément Marot. On publie la Bible en grec mais aussi en français.
Ces imprimeurs sont aussi des érudits : ils maitrisent à la fois les langues utilisées et le contenu des écrits qu’ils publient. Les échanges entre savants, théologiens et imprimeurs sont nombreux.
L’accélération de la diffusion de ces textes et des idées n’est pas toujours du goût de l’église romaine. Des imprimeurs sont poursuivis par la Sorbonne pour leur proximité avec les idées nouvelles les accusant d’hérésie : Antoine Augereau, le maitre de Garamont sera pendu et brûlé, ainsi que ses livres pour hérésie à Paris le 24 décembre 1534.
En publiant des textes nouveaux, issus non seulement des textes latins, grecs, mais aussi en langue vernaculaire comme le français, ils créent aussi de nouveaux caractères d’imprimerie, délaissant les écritures gothiques utilisées par les copistes des époques antérieures, pour des écritures plus aérées, plus lisibles de tous, influencés en cela par les imprimeurs italiens. Un nouvel équilibre s’instaure entre le blanc et le noir des caractères : avec les caractères gothiques, le noir était prédominant tandis qu’avec les caractères de cette nouvelle génération d’imprimeurs, le blanc domine, apporte de la lumière dans un nouvel équilibre avec le noir.
Les imprimeurs sont aussi des artistes, maîtres de leur art : ils sont graveurs, tailleurs et fondeurs de caractères, ils n’hésitent pas à introduire des innovations avec la généralisation de la ponctuation, un ensemble de signes graphiques, un usage rationnel de l’espace sur le document, les mentions de la page de couverture, ces innovations dont nous bénéficions toujours aujourd’hui. Pour améliorer l’usage et la préhension du livre, on réduit son format, une sorte de livre de poche avant la lettre !
Claude Garamont fait partie de cette génération. Il apprend son métier en étant l’élève d’Antoine Augereau qui est un tailleur de caractères et aussi libraire et imprimeur. Ils sont tous deux connus dans le Paris de l’époque, pour la maîtrise de leur art.
A la demande d’un conseiller de François 1er, Claude Garamont crée les poinçons de caractères de l’alphabet grec qui seront utilisés par Robert Estienne. On parle des Grecs du Roi. Ces poinçons, rachetés par Louis XIII, sont aujourd’hui classés monuments historiques et sont conservés au cabinet des poinçons de l’Imprimerie nationale.
Claude Garamont est connu pour ses caractères romains qui seront utilisés en France et dans l’Europe entière et vont supplanter le gothique. Il créera aussi une nouvelle écriture italique inclinée.
A la mort de Claude Garamont en 1561, les poinçons et les matrices seront vendus à Christophe Plantin, relieur et imprimeur renommé à Anvers. Cette collection se trouve maintenant au musée Plantin Mauretus à Anvers en Belgique où l’on peut les admirer.
Tous ses caractères ont traversé les siècles pour se retrouver dans nos ordinateurs. Quand vous cliquez sur Garamond, pensez-y, c’est la police de caractères qui consomme le moins d’encre. Pour cette raison, son usage est recommandé par l’administration générale des services des Etats-Unis !
Si vous voulez en savoir plus sur cette époque et le monde des imprimeurs, Anne Cuneo a publié une histoire romancée « Le maître de Garamond » disponible en livre de poche qui évoque la vie d’Antoine Augereau et de son disciple Claude Garamont.
par Laure GINESTY – VERMEIRE
(Culture protestante, chronique mensuelle des Amitiés huguenotes internationales, diffusée sur France Culture, à 8 h 55, le 3 mars 2019).