Le 33ème colloque des musées protestants, s’est déroulé à Emden en avril 2018. Ce fut l’occasion de découvrir cette ville portuaire d’Allemagne du Nord, en Frise, région qui s’étendait autrefois du nord des Pays-Bas jusqu’à Brème.
Emden a été labellisée en 2017 « ville de la Réforme » et abrite la prestigieuse bibliothèque Jean a Lasco.
Jean de Lasco, né en Pologne en 1499, était issu d’une famille noble polonaise et destiné à l’épiscopat, mais, au cours de voyages en Europe avec son frère diplomate, il noue des relations avec Marguerite de Valois en France, Zwingli à Zurich et soutient Erasme à Rotterdam. A la mort de l’humaniste, il achète sa bibliothèque et l’installe à Cracovie. Il enseigne à Louvain où il se marie. A Londres, il crée une Eglise des étrangers.
Réformateur tolérant, Lasco essaie de trouver une organisation commune aux différents courants protestants, luthériens et anabaptistes, mais il échoue et quitte la Pologne par la mer. Plusieurs villes côtières d’Allemagne du Nord, lui refusent asile. Après 6 mois de navigation, il trouve enfin refuge à Emden en 1454.
Emden, alors régie par de puissantes familles seigneuriales, jouissait de privilèges juridiques indépendants du droit romain.
Il y passa une dizaine d’années, donnant une forte impulsion au calvinisme. Il organisa l’accueil des réfugiés protestants qui affluaient des Pays-Bas espagnols, de France et d’Angleterre, avec l’accession au trône de la reine catholique, Marie Tudor
Ville refuge, Emden fut surnommée l’Auberge de Dieu. L’arrivée de ces protestants de toutes classes, dont de nombreux armateurs et négociants fit d’Emden au XVIIe, une ville portuaire très riche.
Elle comptait plus de bateaux que toute la flotte anglaise ! … pratiquait la pèche au hareng traditionnelle, le commerce de blé et de textiles, en liaison avec un réseau de ports européens,
La ville était caractérisée par une grande diversité culturelle, son centre occupé par la classe aisée, doté de maisons à frontons très hollandaises. La Grande église en briques, abrita le culte réformé, mais aussi d’autres communautés, dont des anabaptistes, et le tombeau d’Adolf de Nassau tombé en 1558 lors de la guerre opposant Hollandais et Espagnols. Des tensions opposaient protestants néerlandais, huguenots et wallons, francophones et germanophones luthériens. L’opulence affichée de riches huguenots choquait ; le pasteur français Polyander s’opposa au strict pasteur Menso Alting.
La ville a été complètement rasée en 1943 et 44 par des bombardements alliés. L’église française a été reconstruite. Quant aux ruines de la Grande église et du tombeau d’Adolf de Nassau, ils ont été englobés et mis en valeur par une nouvelle structure à vocation polyvalente. Elle abrite l’exceptionnelle bibliothèque Jean a Lasco dédiée à l’histoire du protestantisme, comportant un important fonds ancien actualisé. Elle compte aujourd’hui environ 150 000 pièces dont 6000 gravures, et quelques salles d’exposition.
Grâce à son « Journal », le réfugié français d’Emden le plus connu est le maître d’école poitevin, Jean Migault.
par Christiane Guttinger
(Chronique mensuelle des Amitiés huguenotes internationales (anciennement Comité protestant des amitiés françaises à l’étranger), diffusée sur France Culture, à 8 h 55, le 7 octobre 2018).
Dans son «Journal de Jean Migault, maître d’école : 1681-1688 », il fait à l’intention de ses enfants le récit des dragonnades en Poitou qui le contraignent à abjurer pour sauver sa famille, puis l’exil. le regroupement de sa famille en Hollande puis à Emden où il éduque les enfants de réfugiés et meurt en 1707.
Emden : plan cavalier XVIIes de la ville portuaire quadrillée de canaux.
Après la 2ème guerre mondiale, les canaux ont été en partie comblés par les décombres et la ville reconstruite
La Grande église, extérieur et intérieur.
Les murs ruinés de la Grande église ont été englobés et couverts, jouxtés par une structure moderne supportée par des pieux, qui abrite la bibliothèque.
La grande nef accueille des évènements culturels (colloques, conférences et concerts) ; le bas côté droit le tombeau Renaissance d’Adolf de Nassau.
Bravo pour ces détails. Attention à une tournure de phrase un peu malheureuse : Jean a Lasco ne « crée » pas les églises étrangères de Londres. Les congrégations émergent de manière spontanée avec des réunions informelles dans les années 1540, certaines sources disents dès 1536. Quant aux églises au sens institutionnel, c’est le roi Edouard VI qui les incorpore avec la charte royale du 24 juillet 1550. Thomas Cranmer avait invité à Londres plusieurs réformateurs d’Europe continentale, dont Jean a Lasco. C’est sur le conseil de Cranmer que la charte royale nomme a Lasco sur-intendant de l’Église des étrangers. La charte nomme aussi les 4 pasteurs choisis par a Lasco, deux francophones et deux flamands.