Si, en ce mois d’aout, vous êtes à Paris, nous vous invitons à vous rendre au square du Vert Galant. Le 13 avril dernier, une plaque y a été apposée au pied du pont Neuf, évoquant le paroxysme de la violence des guerres de religion, en ces termes :
« Le 24 aout 1572 et les jours suivants Paris a été le théâtre du massacre de la Saint-Barthélemy. Après l’amiral Gaspard de Coligny plusieurs milliers de protestants furent assassinés du fait de leur religion.
Théodore Agrippa d’Aubigné l’évoque dans Les Tragiques :
« Jour, qui avec horreur parmi les jours se compte/
Qui se marque de rouge, et rougit de sa honte »
Rappelons les circonstances. Le protestantisme a inquiété très tôt le pouvoir royal. François 1er, ouvert à l’humanisme, fait volte-face lorsqu’il sent le peuple lettré lui échapper, la Réforme induisant une relation personnelle à l’Evangile, hors du contrôle de l’Eglise et de l’Etat.
En 1572, la reine-mère Catherine de Médicis, tente d’apaiser les rivalités entre catholiques et protestants, par le mariage de sa fille Marguerite de Valois avec Henri de Navarre. Mais les Guise, princes de sang, ultras catholiques, jaloux de leur influence auprès du pouvoir, intriguent. La population parisienne s’inquiète de la présence de huguenots venus de toute la France assister au mariage célébré le 18 août.
Un conseil royal restreint décide l’élimination des principaux chefs protestants. L’Amiral Gaspard de Coligny, partisan d’une intervention française aux Pays-Bas contre les Espagnols, est blessé par Maurevert le 22 août ; Henri de Guise l’achèvera lui-même dans la nuit du 23 au 24 en sa demeure de la rue de Béthisy ( Démoli à hauteur du 133 rue de Rivoli, lors de la percée de cette artère quelques 300 ans plus tard. Une plaque ancienne évoquant l’assassinat de Coligny à l’emplacement de son hôtel était apposée 145 rue de Rivoli et a été déposée lors de travaux de ravalement en 2011.).
Son corps est défénestré puis pendu au gibet de Montfaucon. Les gentilshommes protestants surpris dans leur sommeil sont poursuivis et assassinés. Le tocsin de St-Germain l’Auxerrois – signal convenu ? – déclenche une tuerie sauvage dans tout Paris. Les portes de la ville, fermées, piègent les victimes. Les catholiques coiffés de chapeaux ornés d’une croix blanche visitent toutes les maisons et trucident à tout va.
La Seine rougit du sang d’environ 4 000 victimes ! De nombreux corps s’échouent et sont ensevelis pêle-mêle sur les rives au niveau de la colline de Chaillot (On retrouvera des ossements en creusant les fondations de la tour Eiffel…). Le conseil royal avait sans doute donné son aval à l’assassinat de quelques chefs protestants mais ne veut pas paraître dépassé par les évènements : Charles IX revendique donc la responsabilité du massacre devant le Parlement.
Le mouvement s’étend en province à Meaux, Orléans, Lyon, Bordeaux, etc., entraînant la 4ème guerre de religion. Le pape Grégoire XIII se réjouit de ce massacre d’hérétiques et fait même frapper une médaille commémorative !
Ce n’est que pour le centenaire de la Révolution, en 1889, qu’une souscription publique permettra l’érection d’une statue monumentale dédiée à Coligny, au chevet de l’Oratoire du Louvre, à proximité du lieu d’où démarra le massacre.
La disparition des derniers Valois bouleverse l’ordre de succession. Le trône revient à Henri de Bourbon-Navarre, qui n’entrera dans Paris qu’en 1594 ! Il adorera cette ville et la marquera de grands projets d’urbanisme, évoqués par sa statue équestre, sur ce Pont Neuf (Première statue équestre royale érigée à Paris, la statue équestre d’Henri IV 1er Bourbon, fut réinstallée le 25 août 1818 par Louis XVIII), pont conçu par Jacques II Androuet du Cerceau, l’architecte du temple de Charenton. A proximité, la place Dauphine baptisée en l’honneur du dauphin Louis XIII, était la place du change, fréquentée par les nombreux orfèvres et graveurs protestants établis rue de l’Horloge et quai des Orfèvres. Nombre d’entre eux furent victimes de ce 24 août.
Christiane Guttinger
(Chronique mensuelle des Amitiés huguenotes internationales (anciennement Comité protestant des amitiés françaises à l’étranger) diffusée sur France Culture, à 8 h 55, le 7 août 2016).