L’église protestante unie du Saint-Esprit, rue Roquépine, édifié à proximité du boulevard Haussmann et de l’église Saint-Augustin, célèbre son cent-cinquantenaire.
Ce temple construit sous Napoléon III en 1865 est très emblématique. C’est le plus grand temple élevé comme tel à Paris, sous la coordination de deux protestants, le baron Haussmann et l’architecte Victor Baltard. Le temple est inclus dans un immeuble qui comprenait des écoles de filles et de garçons, selon une conception associant temple et école chère à la Réforme. A l’intérieur, le grand volume octogonal, est éclairé par une immense verrière zénithale. La façade soulignée par des pilastres ne dépasse pas l’alignement du bâtiment. Un petit campanile abrite la cloche. C’est l’Impératrice qui avait exigé un édifice discret qui ne soit pas visible de Saint-Augustin dont elle souhaitait faire sa nécropole !
Haussmann, nommé préfet de la Seine en 1860, se voit confier par Napoléon III, le réaménagement complet du nouveau Paris englobant des communes avoisinantes. Son action fut si remarquable que son nom est devenu un adjectif : l‘urbanisme haussmannien associé à la destruction de quartiers anciens et au percement de larges avenues bordées d’immeubles imposants et d’hôtels particuliers !
Tout ce qui est situé sur les nouveaux axes est détruit. Mais, de concert avec son coreligionnaire Achille Fould, il renonce à une grande perspective prolongeant les Champs-Elysées afin de préserver Saint-Germain l’Auxerrois et ne pas être suspecté d’iconoclasme ! Les nouvelles églises comme Saint-Augustin, La Trinité ou Saint-Pierre de Montrouge sont, particulièrement mises en valeur par un espace dégagé.
Fils d’un général d’Empire d’origine allemande et alsacienne, Haussmann, lorsqu’il était sous-préfet en Gironde, a épousé au temple des Chartrons à Bordeaux, la fille du pasteur d’origine suisse, Octavie de la Harpe. En poste à Nérac, il érige avec Baltard un grand temple octogonal de 750 places, inspiré par le plan de l’ancien temple de La Rochelle.
Haussmann et Baltard vont ensuite régner sur toute la politique artistique parisienne de leur époque. Baltard, qui avait su donner un côté grandiose au bâtiment utilitaire des halles conçoit de nombreuses églises catholiques. Il utilise les techniques modernes, alliant fer, fonte et pierre, mais se plie aux exigences de chaque sensibilité. Ainsi, supervisant pendant plus de trente ans le décor des églises catholiques de la capitale, il les fait couvrir de fresques comme à Saint-Germain-des-Prés. Responsable de la construction du temple du Saint-Esprit, et de l’église luthérienne de la Résurrection (rue Quinault dans le XVe arr.) où aura lieu son service funèbre, il aménage en temple et crée tout le mobilier de l’ancienne chapelle de Pentemont, rue de Grenelle. Il construit aussi la maison du Consistoire réformé de Paris, rue de l’Oratoire.
Les manifestations du cent-cinquantenaire du Saint-Esprit inaugurées par un culte le 13 septembre, ponctuées de conférences et concerts, mettent l’accent sur l’esprit de bâtisseur de Baltard et l’urbanisme visionnaire d’Haussmann.
C’est une occasion de mieux connaître cet édifice majestueux dont le sobre décor consiste en grandes plaques de marbre sur lesquelles sont gravées des versets bibliques. Il servit de cadre à de grands moments de l’histoire du protestantisme dont les synodes de 1872 et 1938. Animé par des pasteurs remarquables, son rayonnement dépassa son aire géographique et engendra des satellites comme la chapelle Milton.
par Christiane Guttinger
Émission du Comité protestant des amitiés françaises à l’étranger diffusée sur France Culture, à 8 h 55, le dimanche 6 septembre 2015.
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Le cent-cinquantenaire du Saint-Esprit commémoré par une série de concerts, visites et conférences circonstanciant l' »esprit de bâtisseur qui a conduit à son édification« , le rôle des protestants, les œuvres sociales, leur esprit d’entreprise – illustré par les conférences d’Axel Dumas, gérant d’Hermès, et d’Eric Peyrard fondateur des éditions Ampelos – s’est terminé sur un remarquable et touchant film-témoignage retraçant la vie de la paroisse à travers les souvenirs de ses paroissiens dont les lieux ont scandé toutes les étapes de leur vie, baptêmes, mariages, scoutisme, engagements, période sombre des années 40, évènements culturels et artistiques…