Le nom de Jean Huss est gravé au mur de la Réformation à Genève, aux côté de ceux de deux autres précurseurs de la Réforme, Pierre Valdo (son attitude évoque celle de Pierre Valdo et des « pauvres de Lyon », au XIIes. Des Vaudois avaient d’ailleurs émigré jusqu’en Bohème.) au XIIe siècle et John Wyclif au XIVe siècle.
Jean Huss tient son nom du village de Bohême, Husinec, au nord-est de Prague, où il nait vers 1371 dans une famille de paysans. Il fait ses études de théologie à l’Université de Prague, est ordonné prêtre en 1400 et nommé doyen de la Faculté de théologie l’année suivante.
À partir de 1402, il prêche en langue tchèque dans la chapelle de Bethléem à Prague, devant des assemblées atteignant jusqu’à trois mille personnes. Confesseur de la reine, il bénéficie d’abord de l’appui de l’archevêque et du roi Venceslas IV (1378-1419). Il s’exprime officiellement aux synodes annuels de Bohême.
Mais, son discours se focalise sur les textes fondateurs et une réforme de l’Eglise qu’il veut ramener à sa pureté originelle. Il traduit la Bible en tchèque afin de la rendre accessible à tous et prône la pauvreté évangélique. Il s’élève contre les indulgences par lesquelles le salut est monnayé par le pape… N’est-ce pas ce que dénoncera Luther un siècle plus tard ? Huss traduit aussi les textes de l’anglais John Wyclif (1320-1384) taxés d’hérésie.
Un Concile se tenait alors à Constance en 1415 pour régler le Grand Schisme d’Occident qui divisait l’Eglise entre 3 papes en titre, siégeant à Rome, Avignon et Pise. Huss est convoqué, interrogé et, en dépit d’un sauf-conduit accordé par l’Empereur, condamné au bûcher comme hérétique. Ses os sont ensuite pilés et dispersés dans le Rhin.
Selon le mot de son ami Jérôme de Prague qui subit le même sort, « On a pu le brûler, mais on ne brûle pas la vérité ».
Quatre ans après son martyre, éclate la révolte hussite revendiquant par les « Quatre articles de Prague »: la libre prédication, la communion sous les deux espèces, un clergé qui se sépare de ses richesses pour mener une vie exemplaire, et le jugement des ecclésiastiques par des tribunaux civils. Cette révolte soutenue par la noblesse sera réprimée par cinq croisades ! Un des plus célèbres moraves est le pédagogue du XVIes, Comenius.
Au XVIIe s, après une brève reconnaissance officielle des différentes branches issues de la Réforme, la Bohème passe sous la domination des Habsbourg catholiques. Des ilots clandestins de réformés, frères de Bohème et Moraves, subsistent. Ils réunissent des assemblées locales et entretiennent des liens entre eux et avec l’étranger, essentiellement en Suisse et aux Pays-Bas. Mais aussi en France : ainsi une rue Jean Huss est attestée à Condé en Brie sur un plan du XVIIIes !
En 1781, un édit de tolérance contraint les protestants tchèques à choisir entre confessions luthérienne et réformée. Une majorité se reconnait réformée, puis ils se regroupent en 1905 au sein de l' »Unité de Constance« . C’est alors qu’est édifiée à Prague la maison Jean Huss et que se prépare pour le 500e anniversaire de sa mort, l’érection, sur la place de la vieille ville de Prague du monument Jean Huss, entouré des gloires et des souffrances du peuple tchèque.
En 1918, à l’indépendance de l’état Tchécoslovaque, les protestants refondent l’Eglise évangélique des frères tchèques régie selon le principe presbytérien-synodal. Ils créent une faculté de théologie, les pasteurs étant précédemment formés à Vienne. Cette église subit les bouleversements du XXes et redémarre dans les années 1990 après la chute du communisme.
Jean Huss est un héros national reconnu pour son rôle dans l’élaboration de la langue tchèque et son orthographe. Un symbole de résistance opposée à la fois à Rome et à l’emprise germanique. Le 6 juillet, jour de sa mort est férié.
Le calice posé sur la Bible est le symbole de la Réforme tchèque.
par Christiane Guttinger : émission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Étranger diffusée sur France Culture, à 7h55, le 3 novembre 2013)
L’idée de consacrer une émission à Jean Huss nous était venue à la suite d’une visite du village de Condé-en-Brie où une rue Jean Huss est attestée par un plan ancien. Dans cette région marquée par le protestantisme (la première église réformée est née à Meaux), il n’est pas impossible que des contacts aient été établis avec des Hussites qui perpétuaient leurs pratiques religieuses discrètement, et entretenaient des contacts en Allemagne, en Hollande et -pourquoi pas- avec des noyaux réformés français.
Bonjour Madame,
pourriez-vous s’il vous plaît indiquer précisément à quel plan ancien de Condé-en-Brie vous faites référence ? La chose est curieuse à plus d’un titre : de manière générale, les rues en France n’ont porté le nom de personnages historiques qu’à partir de la fin du XIXe siècle ; dans le cas de Condé, le cadastre de 1825 montre que l’actuelle rue Jean Huss se nommait alors chemin de Verdon.
Avec tous mes remerciements et mes cordiales salutations,
Olivier Marin