En Allemagne, dans une petite ville du Land de Hesse, Bad Karlshafen, l’école s’appelle Schule Marie Durand. En France même, il y a deux écoles privées qui portent ce nom, une à Nîmes, l’autre à Marseille, ainsi qu’un lycée public, le lycée agricole de Nîmes. On trouve aussi une rue Marie Durand à Montpellier et une maison de retraite en Alsace. Si cette année on commémore le troisième centenaire de la naissance de Marie Durand, en 1711, si elle est inscrite au titre des célébrations nationales, si on donne son nom à des institutions, c’est que par sa vie, cette femme a pris une grande valeur symbolique.
Il faut d’abord rappeler qui elle est. Elle est donc née en 1711, au Bouschet-de-Pranles, dans le Vivarais, au nord de Privas. Son père, Etienne Durand, est « greffier-consulaire » en même temps que propriétaire terrien. La magnifique maison forte du XVe siècle qu’ils habitaient est aujourd’hui le Musée du Vivarais protestant. Marie a un frère aîné, Pierre, né en 1700. Ils reçoivent tous deux une instruction poussée, sur laquelle on ne sait rien mais qui permet à Pierre, dès l’âge de 16 ans, d’assister les pasteurs clandestins, avant de parfaire ses études de théologie en Suisse. Quant à Marie, on peut juger de son haut niveau d’instruction par sa correspondance. Les deux enfants doivent se rendre à la messe catholique et suivre la catéchisme, mais ils reçoivent à la maison une éducation protestante.
Quand Pierre Durand revient de Suisse, il parcourt tout le Vivarais, baptise, marie, prêche. ll est consacré par Antoine Court en 1726. Mais sa tête est mise à prix. Pour s’emparer de lui, les autorités s’attaquent à sa famille. Son père Etienne est arrêté en 1729 et enfermé dans un fort, au large d’Agde, où il va rester 14 ans. Sa mère a déjà été emprisonnée à Montpellier où elle est morte. Et sa sœur Marie est internée en juillet 1730 dans la Tour de Constance, à Aigues-Mortes. Elle est devenue la plus célèbre des femmes qui ont été parquées là. Elles étaient entre 20 et 40, selon les époques, arrêtées pour la plupart dans des assemblées clandestines, au Désert. Environ 400 sont passées par là. Certaines y ont accouché, beaucoup y sont mortes, d’autres sont devenues folles, quelques unes ont abjuré pour en sortir. Car la vie de ces femmes était horrible, elles étaient entassées dans deux salles de cette Tour qui est au milieu de marécages, ce qui signifie moustiques et paludisme. Trop chaude l’été, glaciale l’hiver, ouverte à tous les vents par les meurtrières, les maladies, en particulier la tuberculose, s’y développaient facilement. La nourriture fournie se limitait à une livre et demie de pain par jour, améliorée seulement par les dons que pouvaient faire les Eglises protestantes hors de France, Eglises de Suisse ou des Pays-Bas. Les lettres de Marie Durand à différents pasteurs de ces Eglises sont notre information sur la vie dans la Tour et aussi sur sa personnalité. Etre la sœur du pasteur martyr, Pierre, pendu à Montpellier en 1732, lui donne alors son prestige mais aussi une force qu’elle sait communiquer à ses compagnes pour les maintenir dans la fidélité. Aujourd’hui, ce qui nous touche, outre l’intérêt de cette correspondance, c’est la force morale et la foi dont elle a témoigné, malgré les souffrances, pour résister, comme ce mot qui est gravé dans la pierre du cachot de la tour de Constance et qu’on lui attribue. L’avancement de l’idée de tolérance au cours du XVIIIe siècle et la pitié que ces femmes ont inspirée, leur ouvrent enfin la porte de leur cachot en 1768. Marie Durand y avait « résisté » pendant 38 ans.
Depuis un demi siècle, l’accent est peut-être moins mis sur l’héroïsme masculin des Camisards et des galériens pour la foi, que sur des formes non violentes de résistance, dans lesquelles on trouve des femmes qui ne veulent pas plier devant l’intolérance, politique ou religieuse, comme toutes celles à qui, aujourd’hui, on attribue le Prix Nobel de la Paix. C’est en ce sens que la vie de Marie Durand est reconsidérée aujourd’hui, et qu’elle en arrive même parfois à éclipser celle de son frère martyr, pendu en 1732, pour avoir proclamé l’Evangile dans les montagnes du Vivarais.
Register incisé dans la pierre de la tour de Constance, dessin de Samuel Bastide, publié dans La Tour de Constance, Ed. Musée du Désert en Cévennes, 1957
par Gabrielle Cadier-Rey
(Émission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Étranger diffusée surFrance Culture, à 8h55, le 18 septembre 2011, exceptionnellement pas un premier dimanche du mois à la suite du changement d’horaire intervenu dans l’organisation de France-Culture)
tant d’émotion pour moi ! mon histoire de huguenote est là ! je ne veux jamais oublier que c’est à ces femmes courageuses … à tous ces huguenots morts pour que moi aujourd’hui je puisse vivre librement ma Foi !
janvier 2015
suite aux attentats et mabifestations contre des journalistes il serait utile de divulguer cet article sur marie Durand,et son frére pasteur,interdit d’exercer ,privé de sa nationalité française,,,cela est toujours d’actualité en france comme ailleurs.
cordialement
guy pradet
Il m’ a été dit que le mot gravé par Marie DURAND « Résister » aurait une autre signification .
Ce mot serait en 2 expressions :
1) Rey (Le Roi)
2) Ister (C’ est moi)
Ce qui signifierait : « Le Roi c’ est moi » magnifique affirmation de la part de cette femme courageuse qui au travers de sa foi ,considérait le Roi comme inférieur dans son respect de l’ humanité .
Quand pensez-vous , avez-vous déjà entendu cette définition ?