Sans la Réforme de Luther, nous les Allemands, nous serions restés catholiques. En tout cas, c’est fort probable. Or, la Réforme de Luther n’aurait sans doute pas eu autant de succès en Allemagne et en Europe sans l’inlassable travail du disciple et ami de Luther, Philippe Melanchthon, mort il y a 450 ans.
Né à Bretten dans le Palatinat, sous le nom de Philippe Schwarzerd, ce savant brillant devient très célèbre dans le cercle des humanistes à cause de ses écrits sur la rhétorique, la dialectique et la philosophie ainsi que de ses grammaires du latin et du grec, rééditées en France à plusieurs reprises.
Melanchthon considère la lecture des textes originaux de la Bible en hébreu et en grec comme une condition nécessaire pour l’étude de la théologie. Qui plus est, tous les hommes doivent être capables de lire la Bible par eux-mêmes. C’est pourquoi Luther et Melanchthon œuvrent pour l’amélioration des écoles élémentaires. Tous les enfants, y compris les filles, doivent aller à l’école. C’est en raison de son engagement pour une éducation globale qu’on appelle Melanchthon dès le XVIe siècle le « précepteur de l’Allemagne ».
Sous l’influence de Luther, Melanchthon devient l’un des maîtres à penser de la Réforme. C’est à sa plume que l’on doit la confession de foi luthérienne la plus célèbre : la Confession d’Augsbourg. Son travail théologique et humaniste marque profondément Calvin qui œuvre pour faire connaître les ouvrages de son ami allemand au public francophone.
Melanchthon est convaincu que l’Europe pourra surmonter de manière pacifique ses divisions, si elle revient à ses sources antiques et chrétiennes. L’Europe a besoin de Cicéron et du Christ, de l’humanisme et de la réformation, de la culture et de la foi. L’unité peut être retrouvée grâce à la culture humaniste et une réforme de l’Eglise.
Pour l’unité, Melanchthon est prêt à faire des compromis. Au cours de plusieurs entretiens sur la religion il essaie de convaincre l’Empereur Charles Quint et les princes catholiques de réformer l’Eglise. Il rédige un rapport sur les points communs entre catholiques et protestants pour François 1er qui l’invite à sa cour afin de disputer avec les meilleurs professeurs de la Sorbonne. Pour des raisons politiques, Melanchthon ne viendra pas en France.
Ce « grand amateur de paix » (comme l’appelle Marguerite de Navarre, qui correspond avec Melanchthon) veut aussi préserver l’unité parmi les protestants. C’est pourquoi il tente de faire reconnaître la Confession d’Augsbourg par les réformés, en atténuant la conception luthérienne de la Cène. Dans sa version modifiée, la Confession d’Augsbourg est signée par Calvin lui-même!
Faire découvrir Melanchthon, ce réformateur resté à l’ombre de Luther, voici ce que se propose l’exposition présentée jusqu’au 11 février 2011 à l’IPT – l’Institut Protestant de Théologie – au 83 boulevard Arago, Paris 14ème. Cette exposition correspond en grande partie à l’exposition internationale qu’on peut admirer en ce moment dans les Eglises protestantes en Allemagne. Traduite en français, elle a été augmentée de quatre panneaux illustrant l’intérêt de Melanchthon pour le monde hors de l’Empire et en particulier pour la France.
A noter également: un colloque sur la théologie de Melanchthon le 11 décembre 2010 (programme disponible sur le site de l’IPT : www.iptheologie.fr) A l’issue de ce colloque, l’historien Albert de Lange conduira une visite en français, où il expliquera aussi comment il a conçu et réalisé l’exposition originale.
par Nicola Stricker
(Émission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Étranger diffusée sur France Culture, à 8h25, le 5 décembre 2010)