Il y a quelques mois, le Comité protestant des amitiés françaises à l’étranger a organisé un court séjour à Genève. Nos pas se sont, tout naturellement, dirigés vers le parc des Bastions et son célèbre Mur des réformateurs. Au centre du mur, sont réunies les quatre grandes figures du protestantisme réformé : aux côtés de Guillaume Farel, de Jean Calvin et de Théodore de Bèze, on remarque la statue de John Knox.
Si John Knox est toujours admiré par les Ecossais comme étant celui qui a introduit la réforme calviniste dans leur pays et les a libérés de la tyrannie des Guise et des troupes françaises, les protestants français ne conservent, eux, qu’un souvenir imprécis de la personnalité du réformateur. John Knox était pourtant un fidèle ami de Calvin, comme en témoignent leurs échanges épistolaires.
Knox est né en 1513, l’année où Jacques IV est tué par les Anglais lors de la défaite de Flodden, et quatre ans avant le premier assaut de Luther, à Wittenberg, contre la papauté.
Il a poursuivi ses études à l’université de Glasgow. A une époque où le martyre de Patrick Hamilton, le premier disciple écossais de Luther et de Melanchthon avait éveillé les consciences et où la nouvelle foi commençait à se répandre au sein de la noblesse, du peuple et des ordres religieux.
Le jeune roi Jacques V prêtait lui-même une oreille bienveillante aux idées nouvelles. Malheureusement, le pape réussit à le retourner après son mariage avec Marie de Guise en 1538, si bien que sa tolérance se transforma en une implacable répression contre les « hérétiques ».
Peut-être, comme tant de jeunes clercs à l’époque, a-t-il été ordonné prêtre. Ce qui est sûr c’est qu’il a exercé une activité notariale et de précepteur. En 1546, il a fait le choix de la Réforme et est devenu pasteur de Saint-Andrews.
Capturé par les Français au siège de Saint-Andrews en 1547, il est envoyé aux galères. D’après ses compagnons d’infortune, il a subi son sort avec une sereine abnégation et les a confortés en leur répétant: « Dieu nous délivrera de ces chaînes pour nous élever vers sa gloire, même dans notre vie d’ici-bas. » Libéré en 1549, il se rend en Angleterre, devient chapelain du jeune roi Edouard VI d’Angleterre et collabore à la révision du Livre du rituel anglican (Book of Common Prayer) et des Articles de foi.
A la mort d’Edouard VI, fuyant la tyrannie sanglante de la reine catholique, Marie Tudor, il part pour Francfort, puis rejoint Calvin à Genève, où il consolide sa formation doctrinale, traduit la Bible en anglais et devient pasteur de la communauté des réfugiés anglais.
En 1555, il retourne en mission en Ecosse, mais pourchassé par la haine du clergé, il est contraint, l’année suivante, de regagner son pastorat genevois, tandis que les évêques faisaient brûler son effigie sur la place d’Edimbourg.
Calvin envoie Knox à travers les provinces françaises pour organiser les nouvelles églises. L’église de Dieppe, « dressée » en 1557, s’est ainsi considérablement développée grâce à la présence de Knox.
A l’appel des lords protestants réunis dans la Congrégation du Christ, John Knox rentre dans sa patrie en 1559, anime par ses sermons le courage du peuple qui, selon ses propres mots, reprenant ceux de l’Evangile, « chassa les marchands du Temple de Jérusalem« , tandis que les troupes anglaises venues à la rescousse repoussaient les mercenaires français.
Sitôt le pays libéré, Knox s’applique à construire la nouvelle Alliance avec les lords et les ministres protestants. L’établissement de la Réforme en Écosse est, en effet, une affaire politique autant que religieuse. Le pouvoir royal est faible : Mary, la reine Marie Stuart, est mineure. La régence est assurée par Marie de Guise jusqu’en 1560. Deux partis s’affrontent : l’un sous l’influence française est favorable au catholicisme, l’autre sous influence anglaise est favorable au protestantisme.
En 1560 a lieu la révolution des nobles protestants qui proposent l’abolition de la papauté et de « l’idolâtrie de la messe ». John Knox promulgue, dans la liesse générale, les deux textes fondateurs de l’Eglise presbytérienne d’Ecosse : La Confession de foi et le Livre de discipline, abolissant le pouvoir du pape et supprimant le culte catholique.
Marie Stuart revient en Écosse en 1561, à la mort de son époux, le roi de France François II. Mais elle ne parvient pas à asseoir son autorité et la France, aux prises avec les guerres de religion, ne peut la soutenir. Par ses sermons, John Knox contribue à sa déposition en 1567, puis exerce une influence considérable sur le nouveau roi, Jacques VI. Il a poursuivi son ministère jusqu’à sa mort, en 1572.
Les historiens, vraisemblablement abusés par la figure romanesque de Marie Stuart, ont, souvent, été injustes envers Knox, faisant de lui une sorte de « loup-garou » hargneux et violent. Aujourd’hui, sa personnalité est réhabilitée : il apparaît, bien au contraire, comme un homme de bien, doté des plus grandes qualités – courage, bonté, intégrité, humour –, qualités qui lui valurent l’attachement et le respect de ses proches, de ses amis et du peuple écossais.
L’historien et philosophe écossais Thomas Carlyle lui a rendu un vibrant hommage dans ses Essais critiques :
« Honneur éternel au courageux Knox. La véritable portée de son message était « Que les hommes sachent qu’ils sont des hommes, créés par Dieu, responsables envers Dieu, construisant à chaque instant ce qui durera dans l’éternité ». Ce grand message, Knox l’a délivré avec la voix et la force d’un homme et il a trouvé un peuple qui a cru en lui ».
(Emission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Etranger, diffusée sur France-Culture à 8h25, le dimanche 2 avril 2006)
par Denis Carbonnier
Lettre N°37
Summary : JOHN KNOX : THE SCOTTISH REFORMER by Denis Carbonnier
John Knox has not yet achieved much recognition in France, although he was a close friend to Calvin. He was born in 1513, joined the Reform movement in 1546, was captured by the French a year later at the siege of St. Andrews and sent to the galleys. On being freed in 1549, he became chaplain to Edward VI of England and helped to write the Book of Common Prayer and the Articles of Faith. However, when Mary Tudor became queen, he had to flee to Geneva, where he met up with Calvin and translated the Bible into English. After an abortive attempt to go back to Scotland in 1555, he came back again to Switzerland and Calvin sent him to France to found new churches. In 1559, though, he did finally manage to get to Scotland and gave valuable support to the protestant aristocrats who had set up the reform movement “Congregation of Christ”. There was a rebellion against the papacy in 1560 and this was closely followed by the publication of the two key texts of the Scottish Presbyterian Church, both written by Knox : “The Confession of Faith” and “The Book of Church Discipline”. In these texts the catholic mass was abolished, together with the power of the Pope. Knox had considerable influence over the new king James VI of Scotland, (also James I of England). He died in 1572. Nowadays, historians have reconsidered John Knox : (formerly the “bogeyman” who plagued the romantic Queen Mary Stuart), he is seen as a brave, honest man who inspired and built up the Reform movement in Scotland.