La douzième rencontre internationale de descendants de Huguenots s’est déroulée à la mi-septembre dernier, et pour la première fois en Bretagne. Cela peut paraître étonnant mais nous allons nous en expliquer.
Cette rencontre internationale est organisée tous les trois ans par notre Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Étranger, dont le rôle est d’entretenir nos liens avec les Sociétés étrangères de descendants de huguenots qui, au XVIe, XVIIe et au début du XVIIIe siècle ont tout quitté pour rester fidèles à leur conscience, en bravant l’interdiction de quitter le royaume de France. Leurs descendants sont devenus hollandais, allemands, suisses, anglais, américains voire sud-africains. Il en existe même en Australie et cette année, la Nouvelle Zélande était représentée. Nous étions 112 participants à cette réunion dont plus de 60 étrangers.
La première Réforme protestante française des XVIe et XVIIe siècles fut fortement structurée par la pensée de Jean Calvin (originaire de Noyon en Picardie) et avait gagné, entre autres, une partie de la haute noblesse française. La Bretagne ne fit pas exception à cette règle. Les frères Coligny n’étaient autres que les neveux du Connétable Anne de Montmorency. La première épouse de l’Amiral Coligny, Charlotte de Laval, était bretonne. Le cadet, François d’Andelot, était devenu Baron de La Roche-Bernard en Bretagne par son mariage avec Claude de Rieux. Il installa le premier pasteur en Bretagne dès 1558.
La première journée de notre périple fut consacrée au château de Careil qui appartint à des protestants jusqu’à la Révocation de l’édit de Nantes, et au Musée des Marais salants à Batz-sur-Mer qui met en évidence les échanges avec la Hollande : il est connu que beaucoup de marins bretons se firent protestants au XVIe et XVIIe siècles. Nous visitâmes également La Roche-Bernard et le château de La Bretèche.
La seconde journée, le dimanche 17 septembre, nous fûmes reçus par l’Église réformée de Nantes. La traditionnelle croisière sur l’Erdre que le Roi François 1er dit la plus belle rivière de France, nous fit admirer le château de La Gacherie qui a appartenu à François de La Noue, le « Bayard huguenot », dit « La Noue Bras de Fer » à cause d’une prothèse due à une amputation. Nous arrivâmes au soleil couchant à l’impressionnant château de La Groulais, près de Blain. Il fut reconstruit par Catherine de Parthenay, grande figure huguenote, l’épouse de René de Rohan. Ainsi la Réforme protestante est entrée en Bretagne par la grande porte… Catherine de Parthenay était une dame de grande culture et une réformée tenace et indomptable. Avec sa fille Anne, elle fut l’âme de la résistance au grand siège de La Rochelle. Son fils Henri de Rohan garda les leçons de sa mère tant par la noblesse du caractère que pour la défense de la cause réformée. Il avait été fait Duc et Pair de France par le roi Henri IV et fut le dernier chef militaire du parti huguenot. C’est lui qui signa la Paix d’Alès avec Louis XIII, et Richelieu eut la sagesse de confirmer l’édit de Nantes, mais amputé de toutes ses garanties militaires.
Le jour suivant, nous avons vu le château de Josselin, toujours habité par un duc de Rohan, mais c’est un Rohan-Chabot aujourd’hui catholique. Puis nous nous sommes abrités de la pluie dans la chapelle du château des Rohan à Pontivy, à nouveau protestante depuis 1972 et y avons chanté un psaume huguenot !
Le mardi, du haut des remparts de Saint-Malo, nous avons vu l’embarcadère clandestin des huguenots pour Jersey, puis un rapide catamaran nous a déposés dans cette île anglo-normande fière de son statut particulier. Nous avons été accueillis chaleureusement par la Société jersiaise et l’Église méthodiste, et avons pu admirer un Décalogue calviniste en français dans l’une des églises paroissiales de l’île.
L’avant-dernier jour nous permit une incursion en Basse-Normandie au château des Montgommery à Ducey, et au prêche huguenot de Pontorson, tout près du Mont-Saint-Michel. Le jour du retour nous fûmes reçus à la mairie dans le château de Vitré où le maire, Monsieur Méhaignerie, nous attendait avec son épouse d’origine new yorkaise et presbytérienne !
Au XVIIIe siècle la Réforme protestante disparut de Bretagne quand la noblesse retourna sous la pression des circonstances au catholicisme et son élite émigra vers les terres du Refuge au-delà des mers. Les quelques églises protestantes actuelles sont le fruit du renouveau protestant depuis le siècle dernier.
par le Pasteur Paul Lienhardt
« La Lettre » N°26 de Décembre 2000