Le Comité protestant des Amitiés françaises à l’étranger se propose de consacrer une suite d’émissions aux premiers réformateurs du XVIe siècle.
Le premier est Martin Luther, né en Allemagne, à Eisleben, en 1483. Au lieu de commencer les études de droit que son père avait envisagées pour lui, il devient moine chez les Augustins d’Erfurt. Docteur en théologie, l’étude des Psaumes et de Paul le convainc que tout homme est sauvé par l’amour gratuit de Dieu, base de sa doctrine de « justification par la grâce seule ». Il s’indigne de la vente des indulgences destinées à financer la somptueuse basilique St-Pierre de Rome qui est en contradiction avec la Bible. Ses 95 thèses contre les indulgences placardées sur la porte de l’église de Wittenberg en 1517 lui valent un procès à Rome, aboutissant à son excommunication en 1521.
L’Ecriture est sa seule référence. Protégé par le prince électeur de Saxe, Frédéric de Wittenberg, il entreprend la traduction de la Bible en allemand qui parait en 1534. Luther ne retient que deux sacrements, signes visibles de la grâce de Dieu institués par le Christ : le baptême et l’eucharistie sous les deux espèces, le pain et le vin.
La personnalité et la pensée de Luther font l’objet de nombreux documents et ouvrages qui ne peuvent être résumés en une si courte émission, aussi allons nous donner plus d’importance au fait que Luther choisit de donner une nouvelle image de son ministère : celle d’un homme marié, vivant en famille, comme tout autre homme.
La femme de Luther, Katharina von Bora, a suivi un cheminement très intéressant ; elle a aussi fait des choix de vie inédits rompant avec les conventions de l’époque. Née en 1499 en Saxe, aux environs de Leipzig, dans une famille de petite noblesse désargentée, ses parents la font entrer dès l’âge de 5 ans dans un couvent de bénédictines, puis à l’abbaye cistercienne de Nimbschen[1] dirigée par sa tante[2], qui lui apprend à lire et à écrire, ainsi que quelques notions de latin. En 1515, elle prononce ses vœux de nonne.
Martin Luther publie en 1521 un manifeste[3] affirmant que les Ecritures ne justifient en rien l’existence du monachisme et que les vœux prononcés par des religieux n’ont aucune valeur. Ces idées font leur chemin dans les monastères… En 1523, Katharina von Bora et onze de ses consœurs s’échappent, dissimulées dans des caisses de poissons livrées à l’abbaye, puis elles sont aidées par le milieu luthérien. Katharina est hébergée par la femme de Lucas Cranach à Wittenberg et rencontre Luther qu’elle épouse en 1525.
Le Prince-électeur de Saxe, met à la disposition du ménage un monastère désaffecté de Wittenberg. Tandis que son époux enseigne la théologie et prêche, c’est elle qui veille à l’entretien des bâtiments et à la gestion du domaine afin d’en tirer des ressources. Elle brasse elle-même la bière, pratique la pisciculture et l’apiculture, travaille la terre, élève des volailles et des porcs, tout en éduquant leurs 6 enfants…Elle pourvoit ainsi aux besoins matériels de sa famille, élargie à des neveux, et aux étudiants de son mari. Elle assiste aux « propos de table » où Luther fait l’éloge du mariage mais transmet une image traditionnelle de la femme au foyer, précieuse et indispensable. Elle l’admire et le chérit, malgré ses sautes d’humeur légendaires, le soutient et soigne sa tendance dépressive.
A la mort de Luther en 1546, Katharina se trouve dans une situation précaire. La guerre de la Ligue de Smalkalde, puis une épidémie de peste l’éloignent de Wittenberg. Aux portes de la ville de Torgau, ses chevaux s’affolent, elle tombe de voiture. Blessée et le bassin brisé, elle décède quelques mois après, en 1552, à l’âge de 53 ans.
Grâce à leur ami, le peintre Lucas Cranach l’Ancien, nous connaissons les traits de Martin Luther et de Katharina von Bora qui incarnera pour des siècles la « femme vaillante » et bonne éducatrice de l’idéal protestant féminin…
(Emission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Etranger, diffusée sur France-Culture à 8h25, le dimanche 7 décembre 2008)
par Christiane Guttinger
Lettre N°42
Pour aller plus loin :
Bernard COTTRET, Histoire de la Réforme protestante, Ed.Perrin, Paris, 2001.
Martin LUTHER, Oeuvres, La Pléïade, Gallimard, 2005
Martin LUTHER, Propos de table, Traduction française, Ed.Aubier, Paris, 1992
Dictionnaire du protestantisme. Article « Femme ».
[1] en 1508
[2] l’abbesse Margaretha von Haubitz
[3] De votis monasticis