L’histoire de la Réforme genevoise est dominée par la personnalité de Jean Calvin et on néglige parfois les artisans de la première heure. Si Guillaume Farel ou Pierre Viret sont connus, les femmes ont été ignorées, et même dénigrées. Ainsi en est-il de Marie Dentière qui a participé activement à l’avènement de la Réforme à Genève, et fut une des premières théologiennes réformées.
Marie Dentière est née à Tournai vers 1495. Prieure du couvent des Augustines de l’abbaye de Saint-Nicolas-dès-Prés située près de sa ville natale, elle se convertit aux idées luthériennes et quitte son ordre au début des années 1520. A Strasbourg, elle épouse le prédicateur Simon Robert, avec qui elle se rend en Suisse en 1528.
Veuve, Marie Dentière se remarie avec un autre prédicateur, Antoine Froment, collaborateur de Guillaume Farel. En 1535, ils s’établissent à Genève où elle prend part à la Réforme de Farel, prêchant la nouvelle foi, exhortant des religieuses de prendre un mari et avoir comme elle, des enfants[1]. Elle meurt en 1561.
Marie Dentière va à l’encontre de la formule de Paul[2] « que les femmes se taisent dans les assemblées »). En fait, elle prend très au sérieux la doctrine luthérienne du sacerdoce universel, prête à défendre de son mieux le droit des femmes à la prédication – une revendication féminine immédiatement contestée par les hommes d’Église de tous bords.
Dans son petit Épître très utile[3], publié anonymement en 1539, elle entreprend de revaloriser le rôle de la femme dans l’Église. Elle l’adresse à Marguerite de Navarre, dont le recueil de nouvelles, L’Heptaméron[4] témoigne des idées « féministes » de l’époque.
Le texte de Marie Dentière est composé de trois parties : une « Lettre d’envoi à la Reine de Navarre », une « Défense pour les Femmes » et enfin l’« Épitre très utile ».
Dans la « Lettre d’envoi » elle supplie Marguerite de Navarre d’intervenir auprès de son frère, le roi François Ier, afin qu’il en finisse avec les divisions religieuses dans son royaume et que la parole de Dieu[5] soit accessible à tous, hommes et femmes confondus.
« La Défense pour les Femmes », est beaucoup plus radicale. Par des références bibliques[6], elle met en évidence les qualités supérieures des femmes et, revendique, pour elles, un rôle plus actif dans la vie de l’Église, incluant le droit de prêcher.
La 3ème partie est un traité théologique qui aborde, outre la défense des femmes, les grands thèmes de la Réforme comme l’opposition aux rites de l’Église Romaine, en particulier la messe.
La critique des pasteurs genevois ayant expulsé Calvin et Farel, ainsi que la rigidité concernant le rôle des femmes suscitent les réactions immédiates du Conseil de la ville : presque tous les exemplaires de la publication sont confisqués, l’imprimeur emprisonné. C’est le début de la censure réformée à Genève. Marie Dentière est condamnée au silence, et aucun livre de femme ne sortira des imprimeries genevoises durant le XVIe siècle.
Elle a cependant ouvert aux femmes la voie du ministère pastoral, qui ne sera accordé qu’au XXe siècle, en toute égalité avec les hommes.
En novembre 2002, le nom de Marie Dentière est inscrit au Mur de la Réforme à Genève : son mérite est enfin reconnu, mais son œuvre demeure confidentielle.
(Emission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Etranger, diffusée sur France-Culture à 8h25, le dimanche 3 février 2008, présentée par Vincent Piely)
par Christina L.Griffiths
Lettre N°41
[1] [1] La clarisse Jeanne de Jussie et Jean Calvin en ont témoigné.
[2] 1 Cor. 14, 34
[3] Son titre complet est : l’Epistre très utile faicte et composée par une femme Chrestienne de Tournay, Envoyée à la Royne de Navarre seur du Roy de France. Contre Les Turcz, Iuifz, Infideles, Faulx chrestiens, Anabaptistes et Luthériens.
[4] Paru à titre posthume en 1559.
[5] « qui est l’Évangile de Jésus-Christ »
[6] « Quelle prescheresse », elle se demande, « a esté faicte plus grande que la Samaritaine, laquelle n’a point eu d’honte de prescher Jésus et sa parolle, le confessant ouvertement devant tout le monde, incontinent qu’elle a entendu de Jésus qu’il faut adorer Dieu en esprit et vérité (…) ? »
Bonjour,
Pardonnez le dérangement de ma demande, mais, après une intense recherche sur le net pour « capter » le portrait d’AntoineFroment
(copie d’une gravure ancienne pour accompagner celles de Viret et Calvin)
aucun succès… Rien ! – il n’y en a peut-être pas !
Si vous pouviez m’orienter j’en serais très heureux.
En vous remerciant par avance, recevez mes sincères salutations
Jean-François