Le cinq centième anniversaire de la naissance de Heinrich Bullinger

La Fédération des Eglises suisses, la ville et l’Eglise de Zürich, puis l’Université de Zürich, dans un grand congrès international, ont fêté cet été le 500e anniversaire de Heinrich Bullinger, né en 1504 à Bremgarten, dans l’actuel canton d’Argovie, mort à Zürich en 1575. Sans avoir eu dans l’histoire le même impact que Calvin, son contemporain, Bullinger est cependant l’une des grandes figures de la Réforme suisse et du protestantisme européen de son temps.

Entre Calvin et Bullinger, bien des proximités ont existé. A commencer par leur parcours : ce sont les études universitaires et les lectures humanistes qui ont mené les deux jeunes gens, en des lieux et des moments différents, à la nouvelle foi « évangélique » et à la théologie. Bullinger avant Calvin, et dans l’espace germanophone : dès 1520, à l’Université de Cologne, il découvre en même temps Erasme, Luther, les Pères de l’Eglise et l’Ecriture sainte. En 1523, il est acquis aux idées nouvelles ; appelé à l’école du couvent cistercien de Kappel, près de Zurich, il donne des cours sur l’épître aux Romains, à la manière humaniste « évangélique ». C’est à cette époque que Bullinger rencontre Zwingli, le prédicateur qui venait d’introduire à Zürich une « réforme » en rupture avec l’Eglise traditionnelle ; tous deux s’accordent sur le principe de l’Ecriture comme norme de toute doctrine et de toute pratique religieuse et éthique ; et sur une compréhension du sacrement de la cène, où la présence du corps du Christ est comprise de façon « symbolique ».

En 1527, Bullinger prend un congé pour compléter sa formation théologique à Zürich, auprès de Zwingli et de ses collègues (c’est là qu’il apprend l’hébreu). De 1529 à 1531, il exerce le ministère pastoral dans sa ville natale. En 1531, les troupes zurichoises sont défaites à Kappel par les troupes des cantons catholiques de Suisse centrale. Zwingli, leur aumônier, est tué. Les Zurichois sont contraints d’accepter un traité de paix qui empêche dorénavant toute extension de la Réforme dans la Confédération helvétique. Bullinger, réfugié à Zürich, est alors nommé premier pasteur de la collégiale de la ville. C’est à lui, âgé de 27 ans, qu’il est demandé de remplacer Zwingli.

Or le désastre militaire avait profondément secoué l’Eglise de Zürich et compromis l’avenir de la Réforme en Suisse. Avec courage et ténacité, Bullinger s’est employé à raffermir la position de l’Eglise, en particulier la liberté des prédicateurs, face aux autorités municipales tentés de la contrôler. Mais le rôle de Bullinger ne s’est pas borné à la scène locale. Une fois établie sa position comme chef de l’Eglise zurichoise, Bullinger a joué à partir des années 1540 un rôle de conseiller et de médiateur à l’échelle du protestantisme européen.

Sa correspondance témoigne de l’importance de son réseau de relations. Bullinger en effet a été un correspondant hors pair : on a conservé de lui plus de 12 000 lettres à destination des théologiens, des cours et des diplomates de l’Angleterre, la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, sans compter Genève. Le réseau international de Bullinger a été à la fois expérimenté et renforcé par la politique d’accueil de Zürich, devenue ville de refuge pour nombre de protestants persécutés dans leurs pays (Anglais sous Marie Tudor ; Français, surtout après la St Barthélémy ; Italiens).

En Bullinger le politique était en même temps pasteur et théologien. Il s’est voulu théologien d’union, d’une sorte d' »Alliance réformée mondiale », avant la lettre. D’où son effort de rapprochement avec la Réforme francophone conduite par Calvin. En 1549, Bullinger et Calvin signent un texte d’accord sur les sacrements : les deux théologiens reconnaissent leur identité de vue sur la présence spirituelle du Christ dans la cène. Bullinger est aussi l’auteur d’une confession de foi, dite « Confession helvétique postérieure », qui connut à partir de 1566 un succès triomphal dans toutes les Eglises réformées de Suisse et d’Europe. Outre cette confession de foi, les Décades de sermons de Bullinger, traduits dans de multiples langues, ont assuré la diffusion de la pensée et de la spiritualité du théologien suisse bien au-delà du monde helvétique.

(Emission du Comité protestant des Amitiés françaises à l’Etranger diffusée sur France-Culture, le dimanche 5 septembre 2004, à 8h25)
par Denis CARBONNIER
Lettre N°34

Une exposition composée de panneaux et de quelques objets a été consacrée à « Heinrich Bullinger (1504-1575) Reformator, Politiker, Ehemann, Historiker, Pädagoge, Publizist, Pfarrer, Vater » et présentée au Grossmünster de Zurich du 11 juin au 17 octobre 2004. Catalogue en allemand, Theologischer Verlag Zürich, 154 p.

Summary : THE FIVE HUNDREDTH ANNIVERSARY OF HEINRICH BULLINGER’S BIRTH, by Denis Carbonnier, September 5th 2004

The 500th anniversary of Heinrich Bullinger (1504–1575) was celebrated last summer by the Federation Of Swiss Churches, in Zurich. Bullinger was a contemporary of Calvin and although less well-known, he was nevertheless a major figure of the Swiss and even European Reform Movement.

Calvin and Bullinger both shared the new “evangelical” faith and studied theology. In the 1520’s Bullinger also met Zwingli, who had introduced a new reform movement in Zurich. They agreed on the importance of the Scriptures in doctrine and religious practice; they also insisted on the purely symbolical presence of Christ’s body at Holy Communion.

In 1531, in Zurich, aged only 27, Bullinger had to take over the role of pastor from Zwingli, who, working as an army chaplain, was killed in a war of the Protestant Zurich troops against the Catholic cantons. Bullinger fought to defend the Protestant position and in 1540 became a major counsellor and mediator for Protestant Europe.

He wrote over 1200 letters to theologians, courts and diplomats all over Europe, while Zurich itself became a refuge for many foreign protestants – for example the British under Mary Tudor, or the French after the massacre of St. Bartholomew.
In 1549 Bullinger and Calvin signed an agreement on the sacraments and in 1566 his Confession of Faith was widely acclaimed all over Switzerland and Europe.

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