Qui est ce Richard Wallace, héritier inattendu d’une telle fortune, dont la remarquable collection de Londres, porte le nom ?
Enfant, il fut abandonné dans une loge de concierge. Puis recueilli par MieMie, la mère du marquis de Hertford. Serait-il un descendant illégitime de cette famille ?
Ou bien, ce grand philanthrope, celui qui dota Paris des « fontaines Wallace », finança la reconstruction du temple de Neuilly, détruit par les armées prussiennes, serait-il un usurpateur ayant détourné un héritage à son profit ?
Je dois d’abord préciser que je suis entrée dans l’histoire de Richard Wallace par hasard. Au départ, je désirais raconter la vie de ma trisaïeule, Seymourina Cuthbert.
Pour trouver des réponses à mes questions, j’ai entrepris des recherches dans les archives françaises, car les membres de cette famille britannique ont vécu la majeure partie de leur temps, en France.
J’ai eu la chance de découvrir les documents qui donnent une crédibilité à ma version.
J’ai également étudié les nombreux témoignages de leurs contemporains. Car les Hertford étaient des personnages très en vue, en Angleterre, comme en France. Pour mieux comprendre leur personnalité, j’ai entrepris de les faire revivre à travers un roman. Tout en prenant soin de préciser mes sources et de justifier mes analyses, dans des annexes.
Ce roman se déploie sur un siècle. De 1771, date de la naissance, à Londres, de MieMie, jusqu’à la mort de son fils, à Bagatelle, en 1870. En Angleterre, les Hertford sont proches du pouvoir. Ils occupent des fonctions prestigieuses auprès des rois George III et Georges IV. La grand-mère du collectionneur sera pendant quatorze ans l’égérie du Prince-Régent. La mère du collectionneur, encore toute jeune, accueillera sous son toit des aristocrates français qui se réfugient en Angleterre, pour fuir la Terreur.
Ces émigrés lui donneront le goût de s’installer en France, avec ses enfants, dès la signature de la paix d’Amiens, en1802. MieMie sera étroitement liée au quartier Saint-Germain, et à la nouvelle société du Consulat et de l’Empire. En particulier avec Talleyrand et Junot.
Cette famille britannique, va connaître les bouleversements de l’Histoire de France, qui traversent ce siècle. Sous la Restauration et la monarchie de Juillet, MieMie et ses deux fils, Lord Hertford et Lord Seymour, habitent boulevard des Italiens. Les défilés militaires, les parades royales comme les insurrections et les révolutions, se déroulent sous leurs fenêtres. Le soir, les trottoirs du boulevard se transforment en lieu de plaisir et de fêtes, où aristocrates et bohêmes, artistes et écrivains, se retrouvent. A cette époque, où le romantisme valorise les excès, tous ces dandies rivalisent d’imagination et de fantaisie.
Lord Seymour, fort riche, généreux et extravagant, est le roi de ces dandies. Très populaire, il est surnommé Milord l’arsouille par les Parisiens. Grand sportif, il importe en France la boxe et le turf, et fonde le Jockey club, dont il sera le premier président.
De son côté, son frère, Lord Hertford, se consacre, avec passion, à sa collection. Ses possibilités financières illimitées lui permettent d’acquérir les plus belles œuvres. Enigmatique et réservé, fin politique, il appartiendra au cercle des intimes de Napoléon III.
Aujourd’hui, en France, plus personne ne connait le nom de ce grand collectionneur. Le marquis de Hertford a été dépossédé, pour l’éternité, de sa collection, qui porte à jamais le nom d’un autre.
(Émission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Étranger diffusée sur
France Culture, à 8h25, le dimanche 2 mai 2010)
par Lydie Perreau
Lettre N°45
Bibl. Lydie PERREAU, La fortune de Richard Wallace, J.-C. Lattès, Paris, 2009, 438 p, 19,50 €.