Strasbourg et le protestantisme européen fêtent cette année le 500e anniversaire de la naissance du célèbre pédagogue et humaniste Jean Sturm, fondateur du Gymnase protestant à Strasbourg en 1538.
Une exposition organisée par la Bibliothèque Nationale Universitaire de Strasbourg à partir du 8 octobre prochain nous permet de revenir sur les diverses facettes de la personnalité de ce grand homme de l’humanisme rhénan. De même la faculté de théologie protestante de Strasbourg organise un colloque universitaire pour lui rendre hommage le 11 et 12 octobre. Le Chapitre de Saint-Thomas, responsable aujourd’hui encore du Gymnase lui rend également un hommage en organisant une exposition dans ses locaux du Quai Saint-Thomas, siège du Chapitre et de l’union des Églises Protestantes d’Alsace et de Lorraine.
La Réforme strasbourgeoise s’est faite sur le terreau à la fois humaniste et spiritualiste qui caractérisait déjà l’époque médiévale de la ville. Maître Eckart s’établit ainsi à Strasbourg en 1310, faisant de la ville la « capitale de la mystique rhénane ». Les imprimeurs strasbourgeois éditent en grand nombre les écrits de Luther dès 1519 et Martin Bucer, grand réformateur de la ville de Strasbourg, y est accueilli en 1523 par le Stettmeister, Jacques Sturm.
Martin Bucer, correspondait depuis plusieurs années avec Jean Sturm. Ce dernier, né près d’Aix-la-Chapelle en Allemagne en 1507, enseignait la dialectique à partir de 1530 à Paris. Rallié à la Réforme, engagé dans le mouvement humaniste, il rejoint Strasbourg au début de l’année 1537 et il propose une réforme de l’instruction publique. En juin 1538, il est nommé recteur du nouvel établissement créé suite à ses propositions, le Gymnase, qu’il dirigera jusqu’à sa destitution en 1581 pour avoir prôné le dialogue et la réconciliation entre réformés et luthériens (!). Il continua pourtant de s’investir dans l’administration du Gymnase, jusqu’à sa mort en 1589.
La création du Gymnase
L’originalité de Jean Sturm réside précisément dans la conviction que l’enseignement des Arts libéraux doit être répandu dans la société. La Renaissance, l’Humanisme et la Réforme se conjuguent ici dans une commune conviction de l’importance de l’éducation de la population.
L’enseignement des Arts libéraux se composait de sept matières, réparties en deux catégories
– le trivium qui comprenait la grammaire, la rhétorique et la dialectique, formait les disciplines littéraires,
–
– le quadrivium comprenait quatre disciplines scientifiques, l’arithmétique, la géométrie, l’astrologie et la musique.
–
Pour déterminer le but de l’instruction, Sturm part de l’analyse des besoins de l’homme sur Terre : d’un côté, la vie physique, et de l’autre, la vie spirituelle. «Sans moralité, la civilisation (…) est défectueuse ».
Sturm distingue trois choses à enseigner pour que l’homme arrive à son but : bien vivre, bien penser et bien parler. Sturm réunit la religion, la logique et l’instruction littéraire dans sa célèbre formule « sapiens atque eloquens pietas ». Autrement dit, un homme devait avoir un enseignement basé sur la piété, elle-même fondée sur le savoir et l’éloquence. Sturm désire que ses élèves, destinés à la vie publique, puissent convaincre leur auditoire par les mots et que les connaissances acquises soient mises au service de la piété.
On peut résumer son ambition par une citation de son mémoire sur le projet d’organisation du Gymnase de Strasbourg daté du 24 février 1538.
« Une telle institution sera utile aux citoyens, libérale envers les villes et nations voisines, nécessaire à nos descendants. Tout l’espoir des Etats gît dans la bonne éducation de la jeunesse, et cette éducation du premier âge est le seul moyen de faire cesser la pénurie d’étudiants qui se remarque en Allemagne ».
L’héritage de Jean Sturm
Aujourd’hui, alors que nous fêtons le 500e anniversaire de sa naissance, Jean Sturm n’aurait pas à rougir de son héritage. En effet, le Gymnase Jean Sturm est un établissement réputé. À l’initiative du Chapitre de Saint-Thomas et des Églises Protestantes d’Alsace et de Lorraine, dépositaires d’une conception humaniste et libérale de la Réforme, le Gymnase fait maintenant partie du « Pôle éducatif protestant de Strasbourg », encore appelé « Pôle Jan Amos Comenius » du nom d’un autre pédagogue protestant du 16e siècle. Lucie Berger et le Gymnase composent ce nouvel établissement scolaire qui propose un enseignement de qualité de la maternelle au lycée, les élèves commençant leur scolarité sur le site de Lucie Berger jusqu’à la classe de 5e, avant de rejoindre le Gymnase.
Rappelons l’exposition proposée par la Bibliothèque Nationale universitaire de Strasbourg à partir du 8 octobre 2007. Pour sa part, l’exposition réalisée par la médiathèque protestante de Strasbourg est à la disposition, gracieusement, de tous ceux qui souhaiteraient l’emprunter, il suffit pour cela d’appeler le 03 88 25 90 17.
(Emission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Etranger, diffusée sur France-Culture à 8h25, le dimanche 2 septembre 2007.)
par le pasteur Roland Kauffmann
Lettre N°40