La personne à laquelle je veux rendre hommage aujourd’hui pour son talent et la notoriété de ce talent, mais surtout pour son courage spirituel et politique est Monsieur Emile Gallé.
On dit qu’il est l’homme qui a maîtrisé les aléas du feu !
Certains l’ont présenté comme le Bernard Palissy du XXe siècle. Gallé lui-même considérait Palissy comme un ancêtre, comme l’un des patrons de l’art français du FEU, un symboliste de l’art de la TERRE. Il dit de lui qu’il avait le véritable vœu d’initier les hommes, par des reproductions de la nature, à VOIR DIEU A TRAVERS LES SIMILITUDES ET LES BEAUTES DE SES ŒUVRES LES PLUS HAUTES. Emile Gallé est de cette trempe là.
Si la transmission de souvenirs familiaux s’effectue souvent par des objets, bon nombre d’entre nous pouvons témoigner que plusieurs générations ont remis à leurs proches, avec respect, précaution et admiration, des vases, des meubles ou des luminaires de cet artiste protestant.
Emile Gallé PROTESTANT !
Ce fait mérite d’être souligné. Premièrement parce que son histoire personnelle et son engagement se prolongent et animent encore ses descendants qui sont nombreux à donner un sens à leur vie par l’Evangile. Et, selon un document conservé à la Société d’Histoire du Protestantisme Français, lors de l’éloge funèbre de Gallé en 1904, il est décrit comme un artiste foncièrement religieux, ce qui contribue à donner à toute son œuvre ce cachet d’originalité, quasiment « huguenote », donc protestante, qui la caractérise et la distingue de toutes les productions artistiques de son époque.
En effet, Gallé veut voir Dieu à travers la nature. Il part de ce principe que tout dans la nature, jusqu’aux plus humbles fleurs des champs, est pénétré de cette vie divine… Il voit la vie partout répandue. Il la sent qui palpite dans l’immense variété de la flore et jusqu’aux entrailles de la mer. C’est Dieu qu’il cherche en herborisant ou en pêchant, c’est Dieu qu’il entend, c’est Dieu qui lui parle dans la douce symphonie des choses.
Alors, pour interpréter ce langage, il exprime toute l’émotion éprouvée. Tout ce travail symbolique, il le réalise dans le but d’élever la pensée des hommes. Gallé affirme, je le cite : « Pour que le symbole se taise à jamais dans l’art, il faudrait effacer Dieu, l’astre sacré qui voit l’âme ; car, au fond, le mot de toute la nature, de règne en règne, de symbole en symbole, de reflet en reflet, le mot c’est DIEU ! »
Gallé fait des semailles brûlantes avec le verre et ensuite il va cueillir ses floraisons paradoxales. Insectes, plantes, flores et faunes marines sont la source de ses plus beaux vases. Sous l’inspiration de la nature, il dit vouloir rendre au cristal -je le cite encore- : « Tout ce qu’il peut donner sous la main qui en joue, d’expression caressante et farouche. »
Mais l’artiste Emile Gallé fut aussi un industriel entreprenant. Il a créé sa propre usine à Nancy, capitale de l’Art Nouveau. Il a regroupé des ateliers de faïencerie, de cristallerie et d’ébénisterie. La terre, le verre et le bois furent le terrain d’expérience et de recherches de l’industriel au service de l’imagination de l’artiste.
Parallèlement à l’exercice de son talent d’artiste, ce protestant, directeur d’entreprise et fondateur de l’Ecole de Nancy a eu le courage, dans ses créations, d’embrasser les grandes causes de son temps. Notamment contre l’occupation allemande de l’Alsace et de la Lorraine dans sa Région, mais aussi, au niveau national lors de l’affaire Dreyfus.
Emile Gallé, magicien du verre, contribue à changer nos manières de voir les choses, mais aussi les êtres. Le monde CREE . Lui, Emile Gallé, a vu le monde créé : BON !
(Emission du Comité Protestant des Amitiés Françaises à l’Etranger, diffusée sur France-Culture à 8h25, le dimanche 1er octobre 2006).
par le pasteur Werner BURKI
Lettre N°38